TEXTES ET PHOTOS:
SAMANTHA LUNDER

Sur les terrains de l’exploitation familiale à Icogne, Guillaume Mayor produit des huiles essentielles dans sa distillerie artisanale. Elles seront, ensuite, utilisées pour leurs vertus anti-inflammatoires ou apaisantes.
Avec les 18 types de plantes médicinales qu’il cultive, il crée, chaque jour, différentes essences pour les commercialiser directement dans sa boutique sur place.
Broyage, chauffage et récupération des différents liquides: le processus pour obtenir une petite bouteille est long et demande de la rigueur

A peine est-on entré dans la pièce que les effluves de plantes se propagent jusqu’aux narines. Au centre, une machine ronronne. Son bruit sourd se mélange à celui de la vapeur qui s’en dégage à un rythme régulier. Dans l’immense cuve de métal bien fermée, la magie opère: des aiguilles de mélèze sont chauffées pour se transformer, d’ici quelques minutes, en une huile essentielle. «Vous voyez ces bulles qui remontent à la surface? C’est l’huile que nous allons pouvoir récolter», explique Guillaume Mayor, distillateur et herboriste, en pointant une plus petite cuve. Il se place bien en face, un contenant entre les mains, et ouvre les vannes. Le liquide jaune s’écoule dans le récipient. «Et voilà, maintenant nous allons le conserver trois ou quatre mois à l’abri de la lumière pour lui permettre de développer son parfum, un peu comme un vin. Puis nous pourrons le filtrer et le mettre en bouteilles», précise-t-il.
Le processus (lire ci-contre) va se répéter plusieurs fois, ici, à l’Essencier, une distillerie valaisanne installée à Icogne (VS) depuis 2015. Guillaume Mayor a fondé cet endroit après plusieurs années de recherche aux côtés de son père, Jean-Michel. Ils y créent des huiles essentielles locales, et bios, ainsi que d’autres produits tirés de cette production, qu’ils vendent directement au magasin installé au même endroit. Ils ont, aujourd’hui, l’exploitation agricole familiale d’un côté et cette distillerie artisanale dans le second bâtiment. «Je suis la deuxième génération à travailler dans les plantes médicinales. Gamins, on partait dans le Sud de la France pour faire le tour de ces endroits qui produisaient des huiles. Un jour on s’est dit: «Pourquoi pas le faire aussi chez nous?»

«Cela demande une surveillance constante»

Guillaume ouvre la porte de la cuve principale. De la chaleur se dégage du feu qui crépite à l’intérieur. «Nous avons fait le choix de créer un alambic (réd: appareil qui permet d’extraire l’huile essentielle) qui fonctionne au bois. Nous avons mis du temps à trouver la manière idéale de le faire, c’est finalement un distillateur de France qui nous a transmis son savoir.» Il y jette une grande bûche avant de refermer. «Cela demande une surveillance constante, il faut aussi ajouter de l’eau, changer les bacs qui récoltent l’hydrolat, on est continuellement occupé.» Cet hydrolat, c’est l’eau qui a transporté l’huile avant son extraction. «On la conserve, car elle a aussi des vertus. Celle que nous n’utilisons pas part chez des agriculteurs. Ils sont toujours plus nombreux à nous en demander pour la donner aux bêtes, à titre préventif. Cela peut éviter des troubles digestifs comme des diarrhées.»

«avec cette cuve de 400 kilos,
on fera quelque chose comme 700 millilitres
d’huile essentielle de mélèze.»

Guillaume Mayor,distillateur et herboriste

Ce paysagiste de 37 ans a complété sa formation à l’École des plantes médicinales d’Évolène. «Après, il faut se le dire, il n’existe aucun cours qui va nous apprendre tous les petits secrets. C’est en faisant qu’on trouve le bon moment pour récolter, le temps parfait de distillation, la température exacte.» Il s’estime chanceux d’avoir pu recevoir les connaissances de cet autre distillateur français. «C’est un peu comme les druides, chacun a ses recettes et les garde précieusement.»

Une plante, une vertu

Avec chaque plante, le professionnel pourra extraire une essence différente. Et ainsi créer une huile ou un mélange de celles-ci «Il y a beaucoup de facteurs qui auront une influence sur sa qualité, que cela soit la météo, le type de sol où la plante pousse. Ici nous avons un climat idéal.» Le mélèze utilisé, ce jour-là, leur vient d’un forestier de la région, dans les hauts de Crans-Montana (VS). Guillaume le récupère brut et s’occupe d’éliminer au maximum le bois qui entoure les aiguilles, pour que le parfum ne soit pas influencé. Il passe, ensuite, le tout dans une broyeuse pour créer une masse homogène, qui sera mise dans l’alambic. Une seule plante sera utilisée, durant un à trois jours, avant de tout nettoyer pour passer à une autre. «Avec cette cuve de 400 kilos, on fera quelque chose comme 700 millilitres d’huile essentielle de mélèze», termine Guillaume. À l’étage, le résultat de ces longues heures de travail niche sur les étagères: de petites fioles aux noms d’arbres ou de plantes. Qui seront, chacune, utilisées pour leurs vertus.