TEXTES: SAMANTHA LUNDER
PHOTOS: SEBASTIEN BOVY

Au cœur des décombres ou de la forêt, ces chiens n’ont qu’un seul objectif: mettre leur museau sur une personne disparue. Une longue recherche qui demande entraînement et rigueur.
Les bénévoles de l’association REDOG interviennent partout en Suisse lorsqu’il faut partir à la recherche de quelqu’un.
Nous avons suivi l’entraînement du groupe régional actif sur Vaud, Fribourg, Neuchâtel et le Jura, pendant un exercice à Gollion.

Accroupie à côté de Sunbeam, un golden retriever, Karine Lambiel détache la laisse. Le chien aboie et part à toute vitesse en direction des gravats. Il saute pour prendre de la hauteur. Sa forte respiration se fait distinctement entendre alors qu’il renifle le sol. Il tourne autour de morceaux de bâtiment entassés, accélère, revient sur ses pas. Après quelques minutes seulement, il fonce: sa tête plongée dans un trou, il se met à aboyer, très fort, en direction de ce qu’il a trouvé. Sunbeam est en train de désigner le lieu où les secouristes devront intervenir pour sortir une personne ensevelie au milieu de ces décombres. «Bravo, bonhomme, ça c’est super!» lui lance la conductrice de chien qui l’a rejoint, en lui donnant une tape amicale sur le flanc. À ses côtés, David Lagger, aussi conducteur, joue le rôle de la victime, un casque sur sa tête. Cet après-midi, le groupe régional de la Société suisse des chiens de recherche et de sauvetage (REDOG) est venu s’entraîner au Centre de compétence de la sécurité civile de Gollion (VD).
Ici, sous des décombres spécialement installés pour des exercices, les binômes homme-chien partent à la recherche de personnes enfouies. Sunbeam et Eagle, un berger australien, sont deux habitués: le premier a commencé il y a trois ans et le second quatre. Ils sont formés par leurs conductrices pour agir efficacement sur le terrain en cas de besoin. Les membres de l’association, tous des bénévoles, sont appelés, plusieurs fois par année, pour aller en appui lors d’interventions réelles partout en Suisse où une personne est recherchée. «On nous téléphone lorsque quelqu’un s’est perdu en montagne ou, plus rare, quand il y a des catastrophes comme des tremblements de terre ou des éboulements», explique Esther Waltisberg Cherix, présidente du groupe régional Vaud, Fribourg, Neuchâtel et Jura, et conductrice de chien en surface. Il y a eu environ une vingtaine d’appels en Suisse en 2019 jusqu’à ce jour. Esther a participé à la dernière intervention en date, au mois d’août, aux Paccots (FR). Celle-ci a duré un après-midi et une matinée avec son chien Chhay. «On met aussi en place des moyens techniques une fois sur les lieux, comme le survol en drone. Mais la capacité du chien est inégalable: il peut sentir une odeur très rapidement», témoigne Esther.

«Si le maître est nerveux, le chien le ressentira»

Pour atteindre un tel niveau de compétences, cela demande des années de travail avec l’animal. Leur compagnon à quatre pattes doit apprendre à aboyer sur demande puis devant une cachette fermée où il décèle une odeur humaine. «Il doit y avoir une bonne complicité entre le maître et son chien, car il faut comprendre les signes qu’il va nous donner une fois sur le terrain, continue Esther. Si le maître est nerveux, le chien le ressentira.»
Dans leur groupe régional, sept chiens ont passé les tests finaux et sont actuellement opérationnels lors d’interventions. Tout au long de leur longue formation – entre deux à cinq ans selon le chien – ils ont dû franchir plusieurs tests et un dernier examen simulant des conditions réelles. Celui-ci se passe sur deux jours et une nuit pour ceux qui agiront dans les décombres, sur un jour pour ceux en surface. Les deux disciplines étant complémentaires, mais distinctes.

Identifier un humain ou un vêtement

Pour se préparer à la recherche en surface, à savoir en montagne ou dans tout autre environnement extérieur, le groupe se déplace dans une forêt de La Chaux (VD). Au beau milieu de celle-ci, c’est Chhay qui va cette fois-ci se prêter au jeu des démonstrations. «En avant», avec son sifflet autour du cou, Esther lui indique de chercher. Pendant que le chien s’élance, Jérôme Macé, un autre membre de l’équipe, court se coucher au pied d’un arbre non loin de là. Lorsque Esther siffle, son chien revient à vive allure, sans manquer de s’arrêter près de la personne: comme Sunbeam lors du premier exercice, il aboie à plusieurs reprises. «Ils sont formés à chercher l’humain en priorité, mais ils peuvent aussi trouver des objets, un vêtement, un sac, imprégnés de l’odeur humaine, qui nous permettront de nous rapprocher du disparu», ajoute Esther.
Selon la complexité de la recherche, l’intervention peut durer une vingtaine de minutes ou plusieurs jours. «Tout va très vite, et le chien sait qu’il travaille, cela m’a toujours fascinée, témoigne Karine Lambiel, responsable technique de la recherche de personnes disparues en surface. Le mien, par exemple, a une peur bleue des vaches. Dernièrement, on a dû traverser un champ qui en était rempli pour aller chercher quelqu’un. Il l’a fait sans aucun souci, c’était impressionnant de voir comment il s’adapte à la situation lorsqu’il est au travail.»