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SAMANTHA LUNDER

Elise, 19 ans, est née avec un trouble du spectre autistique. Ses parents n’ont eu un diagnostic que lorsqu’elle avait un peu plus de 4 ans.
Aujourd’hui, à la tête de l’association Autisme Neuchâtel, ils se battent, au quotidien, pour parler de ce handicap et inciter à sa déstigmatisation.
Leur fille, désormais adulte, suit un stage en horticulture et espère trouver un métier dans ce domaine. Ses parents sont confiants, malgré les difficultés traversées jusqu’à maintenant.

Dans leur maison de Cortaillod (NE), les Maillard s’apprêtent à passer ce jour férié en famille. Installée dans un fauteuil du salon avec un livre, Elise s’enthousiasme face à un passage. «Ah, ça c’est vraiment drôle», lance la jeune femme en rigolant, avant de se replonger dans «sa bulle», comme aiment à le décrire ses parents. «Pour nous, à sa naissance, elle était une enfant ordinaire. Nous avons remarqué les premiers signaux à 2 ans et demi, par le biais de certaines crises qu’elle nous faisait, mais avant cela on n’aurait jamais pensé à ce diagnostic», explique Frédéric, le papa. Lui et son épouse, Ann, ont deux filles: Maude 21 ans, et Elise 19 ans. C’est à ses 4 ans que des professionnels ont identifié un trouble du spectre autistique (TSA) à leur cadette. «À l’époque, quand j’étais enceinte, on s’était posé la question de ce qu’on devrait faire si elle était différente. On s’était toujours dit qu’on l’accepterait comme elle serait», témoigne la maman, laquelle, à ce moment-là, n’avait encore aucun soupçon de la présence d’un handicap.
Car le TSA ne peut pas s’identifier par de simples tests pendant la grossesse, le diagnostic ne peut être posé que bien plus tardivement, au travers du comportement de l’enfant quand il grandit. «C’est très compliqué de savoir qu’un enfant en est atteint, même s’il y a beaucoup de progrès qui sont faits actuellement, continue Frédéric. Au tout début, nous pensions qu’Elise faisait des crises de colère, puis finalement c’étaient des angoisses dues à ce trouble.» Concrètement, celui-ci cause des difficultés dans les interactions sociales, dans la communication et un retard dans le développement.
Avant la création de l’association Autisme Neuchâtel, que Frédéric préside, le couple s’était déjà engagé pour les enfants qui naissent avec un TSA comme Elise.

Pour nous, à sa naissance, elle était une enfant ordinaire. Nous avons remarqué les premiers signaux à 2 ans et demi.

Frédéric Maillard, le papa d’elise

«Selon le premier psychiatre, elle n’était pas autiste»

Le père de famille précise que la création de l’entité, survenue en 2009, est une réponse au peu de possibilités d’entraide et de diagnostic qui s’offraient aux parents. «Le premier pédopsychiatre avait même décrété qu’elle n’était pas autiste. C’est une fois au jardin d’enfants qu’on nous a pointé certains comportements différents des autres, mais il n’y avait aucun moyen de faire ces tests dans notre canton», se souvient Ann. Ils trouvent les bons spécialistes au Centre hospitalier universitaire vaudois, à Lausanne, et le diagnostic tombe enfin. «Ce n’est pas facile à dire, mais à ce moment-là on fait le deuil de son enfant normal, de sa famille et de soi, témoigne son mari. Dans nos têtes, mettre Elise dans une fondation qu’on voyait jusque-là comme un endroit où on parque les personnes différentes, c’était dur à imaginer.» Pourtant, dès la première visite en institution, la famille change de regard. «L’endroit était vraiment accueillant, les gens pouvaient sortir, être indépendants, c’était bien loin de ce qu’on pensait. Finalement notre vie est différente, mais pas plus moche.»
Dès le départ, pas question pour eux de cacher leur fille ou de nier ce handicap, ils ont toujours tout fait pour l’intégrer de la meilleure manière possible. Voisins, famille, amis, tout le monde sait qu’Elise est différente. «Le plus compliqué, c’était pour sa scolarité. Les finances cantonales sont ce qu’elles sont, et on ne nous proposait que quatre heures d’accompagnement par semaine», déplore Frédéric. Car, pour être dans une école avec d’autres enfants ordinaires, Elise avait besoin d’une personne à ses côtés. Ses parents ont donc décidé de payer de leur poche. Ce qui représentait tout de même une somme non négligeable de 2000 francs par mois.

 

«On nous a mis des bâtons dans les roues»

Une chance que tous les enfants atteints de TSA n’ont pas. Pour Elise, cela lui a permis de trouver finalement un stage dans le domaine qu’elle aime tant, l’horticulture. Elle le suit par le biais de l’institution neuchâteloise Les Perce-Neige. Alors que les médecins prédisaient qu’elle ne saurait même pas lire, Elise a appris et prouvé qu’elle saurait acquérir davantage d’autonomie. «J’ai choisi l’horticulture, car il y a moins d’interactions avec les clients. Pour fleuriste, il y a beaucoup de contacts et ça ne marcherait pas. J’aime travailler avec les plantes: planter, faire pousser, soigner, surtout couper des fleurs pour pouvoir les vendre ensuite.» Ce stage pourrait, par la suite, déboucher sur une formation professionnelle certifiante, qui lui permettrait de trouver un travail dans le domaine. «Nous sommes ravis pour elle, mais, à nouveau on nous a mis, ici aussi, des bâtons dans les roues: elle aurait pu suivre les cours du CFC d’horticultrice, mais l’assurance invalidité nous a confirmé la prise en charge financière de la formation trois semaines avant la fin des cours… ce qui était bien sûr trop tard», ajoute son père.
La famille est unanime: même si de nombreux progrès dans la prise en charge des enfants atteints de TSA sont apparus ces dernières années, il reste encore beaucoup à faire. Surtout pour un handicap si invisible que celui-ci. «On s’attendait à ce que cela ne soit pas évident, mais on ne pensait pas à ce point-là. On continuera à se battre, car plus on parlera de l’autisme, plus on avancera dans la bonne direction», termine sa maman.