TEXTES ET PHOTOS:
SAMANTHA LUNDER

Derrière les fourneaux de l’hôpital de Sion, on ne perd pas une seule minute: petit déjeuner, repas de midi et du soir, la quarantaine d’employés a beaucoup de monde à nourrir.
Rien que sur un midi, 1 000 plats sont concoctés. Dont 80 avec encore plus d’attention, pour répondre aux régimes particuliers de certaines patients.
A 10h30, onze cuisiniers se mettent en place pour la «chaîne»: ils composent, un à un, les plateaux dans un silence absolu. Car la moindre erreur pourrait être lourde de conséquences.

Au fond de la grande casse-role, des morceaux de bœuf mijotent dans leur sauce. Sur le plan de travail juste à côté, un cuisinier remplit des verres de frappé alors qu’un autre analyse une liste de plats. Il n’est pas encore 9h du matin, mais dans les cuisines de l’hôpital de Sion, tout le monde est déjà bien réveillé. Après les petits déjeuners de 7h30, il faut maintenant tout préparer pour le service du midi. Et il n’y a pas une minute à perdre: chaque employé est affecté à son secteur et doit reproduire les recettes qui composent les menus. Dans une petite heure, il faudra lancer la mise en place des plateaux.
«Nous préparons 1500 repas, chaque jour, nous devons être très bien organisés pour que tout roule, explique Claude Fournier, chef de cuisine depuis trente ans. Nous avons aussi des contraintes plus strictes qu’ailleurs: l’hygiène est primordiale, car nous servons une population plus sensible. Un tout petit souci dans la propreté de notre côté peut avoir de graves conséquences.»
Afin de réduire au minimum tout risque d’erreur, chaque étape et chaque mouvement respectent une marche à suivre claire. Tout commence dans la petite pièce à l’entrée de la cuisine, où le chef reçoit les cartes repas sur son ordinateur. Il les imprime, les vérifie et les place dans une colonne de bois divisée par service: «Si on se trompe, le plateau partira au mauvais étage et un patient se retrouvera sans repas ou avec un genre de plat qui ne lui est pas destiné.
On doit faire ça bien», précise Claude.

Pas le droit à l’erreur

Une fois classées, les petites fiches seront le point de départ de ce qu’ils appellent la «chaîne»: le moment le plus important de tous, celui de la préparation des plateaux des patients. Il est 10h35 et les onze cuisiniers concernés se mettent en place autour d’un long tapis roulant au coeur de la pièce. Les conversations laissent alors place à un silence de plomb: chacun se positionne devant des bacs remplis de nourriture, ustensiles en main. Et c’est parti, avec la plus grande concentration. Le système se met en marche: un premier plateau est disposé dessus avec une fiche et une assiette vide. Le regard du cuisinier en tête se pose sur ce qui est écrit. Il prend une louche de gnocchi de polenta et passe au suivant. Viennent se rajouter ensuite légumes, sauces et petit dessert. «Ils ne disent plus un mot, car ils doivent bien suivre les instructions: ils ont chacun leurs ingrédients à mettre dans l’assiette selon ce que la fiche de commande dit», raconte le chef.

Si certaines assiettes se ressemblent, d’autres sont bien différentes. Car patients, visiteurs et employés de l’hôpital peuvent choisir entre le plat normal, celui fourchette verte (label de l’alimentation équilibrée) ou végétarien. Ils seront servis directement en chambre ou à la cafétéria. Sans compter sur toutes les personnes ayant un régime particulier. «Nous préparons environ 80 plats spécifiquement pour les personnes allergiques, intolérantes, ou qui ne peuvent pas manger certaines choses à cause de leur état de santé, explique Béatrice Teixeira, cuisinière en diététique. Sur le tapis, leurs plats sont sur un plateau rouge, pour nous indiquer d’être vraiment attentifs.»

Un plat sans goût?La faute au régime sans sel!

Devant nos yeux, il y a des plats qui donnent l’eau à la bouche, mais aussi d’autres moins appétissant à cause de leur aspect fade et de la texture gélatineuse… «C’est effectivement un peu l’image que l’on se fait de la nourriture que l’on va servir, mais il s’agit là d’un repas préparé spécifiquement pour les personnes qui ont des problèmes de mastication ou autre», nous rassure Claude. Il ajoute que pour tous les plats, la quantité n’est jamais au détriment de la qualité: «J’ai toujours dit que je ne voulais pas faire de la cuisine d’hôpital. On subit cette étiquette de cuisine fade et peu variée, alors qu’avec les années cela a bien évolué, et nous nous efforçons de servir des repas goûteux, avec la possibilité de choisir entre trois menus différents. On ne se rend pas compte, mais il arrive régulièrement que certains patients trouvent leurs plats insipides par manque de goût. Au final c’est simplement que cette personne doit suivre un régime sans sel et qu’il n’a pas reçu cette information.»
Pour le chef de cuisine, aujourd’hui, la nourriture que l’on mange dans un hôpital peut être tout aussi bonne qu’ailleurs: «Ce n’est pas un restaurant gastronomique, mais des gens viennent dans notre cafétéria exprès pour manger le midi, cela veut bien dire que ce n’est pas si mauvais.»