TEXTES: FABIEN FEISSLI
PHOTOS: BERNARD PYTHON

Tous les mercredis et les samedis, le Black Office, à Neuchâtel, accueille un atelier de réparation de vélos. Le public peut venir bénéficier des outils et des conseils avisés des bénévoles.
Ici, chacun est invité à mettre les mains dans le cambouis. L’objectif est clair: aider les gens à se réapproprier leur bicyclette et les inciter à l’utiliser davantage.
Qu’ils s’en servent pour aller au travail ou pour les loisirs, bénévoles comme visiteurs racontent la même passion pour la petite reine. Un moyen de transport pratique, écologique et qui fait bouger.

Penchés sur le garde-boue arrière du vélo, Nicole et
Aldéric cherchent une solution. «Il y a le câble de la lumière qui coince, c’est pour ça que la roue n’entre pas», pointe le jeune homme, assis sur le béton. Ce mercredi soir, c’est la deuxième fois que le couple neuchâtelois participe au Black Office, un atelier de réparation de bicyclettes ouvert à tous. Ils sont là pour tenter de remettre en état le vélo de Nicole. «Je m’en sers pour aller travailler. Cela me permet de me changer les idées et de prendre l’air après le boulot. Et puis je n’ai pas besoin de chercher une place de parc.» Mais, pour le moment, sa monture est immobilisée, guidon sur le sol: la roue ne veut pas reprendre sa place. Gaëtan Milliard, l’un des bénévoles qui encadrent le public, s’approche d’eux pour participer à la discussion. «On peut peut-être couper le câble et le faire passer de l’autre côté?» propose l’ingénieur de 34 ans. Tandis que Nicole et Aldéric réfléchissent à la solution suggérée, Gaëtan détaille le fonctionnement de l’atelier. «L’idée, c’est qu’on réfléchisse ensemble, que je les accompagne, mais pas forcément que ce soit moi qui fasse. On essaie de leur faire réparer le plus possible par eux-mêmes.»
Tous les mercredis soir et les samedis matin, ce sont donc une vingtaine de personnes qui viennent profiter des conseils des trois ou quatre bénévoles présents à chaque fois. «Il y a des choses simples, comme des crevaisons ou des freins à régler, et des cas plus compliqués, comme des changements de dérailleur», détaille celui qui a participé à la création du projet il y a cinq ans. Les outils et les pièces d’occasion sont à la disposition du public à prix libre, une petite caisse à la sortie permet de glisser quelques pièces ou un billet pour soutenir le fonctionnement du lieu. «C’est moins cher qu’un garage et c’est vraiment cool de pouvoir apprendre. Si j’ai de nouveau ce problème, je pense que je pourrai me débrouiller», approuve Nicole. Aldéric abonde: «J’ai l’esprit pratique, mais je suis nul en bricolage. Jamais je ne me serais lancé là-dedans tout seul.»

C’est précisément la volonté des créateurs du Black Office. «Parfois, les gens ne se sentent pas capables de réparer, ils se disent: «C’est foutu, je vais en acheter un autre.» Nous, on cherche à les pousser pour leur montrer que la plupart des choses ne sont pas très compliquées à faire soi-même», observe Gaëtan. Lui-même n’est pas un expert, mais un périple d’un an en tandem lui a appris pas mal de choses sur les deux-roues.

«Une société de surconsommation»

Avec tous ses camarades bénévoles, il partage un objectif clair: inciter les Romands à faire davantage de vélo. «Que ce soit pour des questions de pollution, de bouchons ou de bien-être, c’est un supermoyen de transport.» Le trentenaire s’interrompt pour se tourner vers une dame qui attend aux portes de l’atelier, une trottinette à la main. «Est-ce que vous pourriez m’aider à resserrer la direction?» demande-t-elle. Sans hésiter, le Neuchâtelois attrappe un outil et s’exécute. «On commence à devenir bon en trottinettes, c’est presque comme les vélos», rigole-t-il. Ravie, Marie Letellier explique: «On est dans une société de surconsommation, c’est vraiment très utile de voir des gens avec une autre philosophie. J’ai découvert cet endroit l’an passé, on est venu avec mon fils pour faire vérifier des vélos d’occasion.»
Car, petit à petit, l’initiative neuchâteloise se fait connaître. «Ce n’est pas vraiment notre point fort, on a eu un peu de peine à sortir du côté alternatif, mais ça commence», confirme Gaëtan. Désormais, le Black Office cherche des bénévoles pour renforcer son équipe. Justement, Émilie Pelissier est là pour la deuxième fois seulement. «J’ai été super bien accueillie. Jusqu’à maintenant, j’ai appris en autodidacte, mais j’avais envie de renforcer mes connaissances en ayant davantage de vélos sous la main», raconte la jeune Chaux-de-Fonnière, qui vient de recevoir son T-shirt orné du logo de l’association. Elle en partage déjà les convictions. «Il faut inciter les gens à faire davantage de vélo, leur faire prendre conscience que les distances ne sont pas si grandes et que c’est faisable sans voiture.»

7 000 kilomètres par année

Quelques mètres plus loin, ce n’est pas son nouveau collègue Daniel Forchelet qui dira le contraire. Passionné et compétiteur, il avale plus de 7 000 kilomètres chaque année. «Je viens souvent les mercredis soir. J’aime rendre service aux gens et leur expliquer que la mécanique d’un vélo, c’est relativement simple et accessible à tous», explique le sexagénaire. à côté de lui, Lionel Dysli apprécie ses conseils. Sa monture, avec laquelle il parcourt jusqu’à 60 kilomètres par jour, a du jeu dans la direction. «Dans un magasin, cela coûte un rein de faire réparer et je n’ai pas forcément les outils à la maison. Ici, c’est vraiment pratique», confie-t-il, sans s’arrêter de travailler. Quelques minutes plus tard, le problème résolu, le Neuchâtelois glisse un billet dans la caisse pour les dons. «Je suis plutôt content», sourit-il en enfourchant sa monture.