TEXTES: FABIEN FEISSLI
PHOTOS: MURIEL ANTILLE

Au cœur du centre de tri d’Éclépens se niche la «clinique des lettres», qui recueille les envois déchirés ou en quête d’un destinataire afin de les remettre sur le bon chemin.
Chaque jour, les sept samaritains du courrier traitent plus de 2000 missives. Et, si certains cas sont évidents, d’autres ressemblent à de véritables puzzles.
Porte-monnaie, clé USB, plaques de voiture, smartphones, clés, cartes d’identité, maquillage ou même munitions, parfois ce sont carrément des objets qu’il faut tenter de retourner à leur propriétaire.

Assise à son bureau, Fernanda Barreira déchire le sommet d’une enveloppe violette et parcourt la lettre à la recherche d’un indice. Immédiatement, ses yeux se posent sur un nom qu’elle s’empresse d’entrer dans une base de données. Sans succès. «Cette dame n’est pas dans notre fichier d’adresses», constate l’employée du centre de tri d’Éclépens (VD). Depuis cinq ans, la Vaudoise œuvre au sein de la très officielle clinique des lettres de la Poste. «C’est le secteur qui recueille les envois déchirés ou qui ne peuvent pas être distribués parce que l’adresse est incorrecte», détaille Philippe Tornare, l’un des responsables du centre de tri romand. Alors, quand le nom de l’expéditeur n’est pas indiqué sur l’enveloppe, Fernanda Barreira et ses six collègues scrutent le contenu de l’envoi pour savoir à qui le retourner. «Si vraiment on ne trouve pas, on les garde deux mois, en attendant de voir si quelqu’un dépose une réclamation», précise Philippe Tornare.

Les détectives de la Poste

Ce ne sera pas le cas pour la lettre violette, car déjà Fernanda Barreira a repéré une adresse qu’elle s’empresse de recopier sur une nouvelle enveloppe. «Il faut aller vite, mais c’est vraiment génial. C’est varié et il faut utiliser sa tête.» Si elle n’a pas le temps de traîner, c’est que, chaque jour, la Vaudoise et ses collègues doivent traiter environ 300 missives chacun. «Ce sont des détectives, mais qui ne peuvent pas prendre des heures. Notre objectif, c’est de sauver le plus rapidement possible les lettres ne pouvant être distribuées», abonde Philippe Tornare. C’est pour cela qu’un membre de la clinique reste en poste tous les soirs jusqu’à minuit pour traiter les derniers envois du jour.

«L’important, c’est qu’à un moment donné la lettre soit renvoyée au client», affirme le responsable, tout en précisant que les employés de la clinique bénéficient d’une dérogation spéciale pour avoir le droit d’ouvrir le courrier et sont tenus au secret de fonction. Pourtant, malgré toute la bonne volonté des secouristes d’Éclépens, certaines recherches se révèlent plus compliquées que d’autres. Au milieu de leur local se dresse un tableau aimanté où les postiers accrochent de multiples morceaux de lettres. Lorsqu’elles passent dans les méandres des machines de tri, les enveloppes contenant un objet rigide, comme une clé par exemple, peuvent se coincer dans les rouages et se déchirer. C’est alors un véritable puzzle qui commence pour reconstituer la missive. Celle-ci sera, ensuite, renvoyée au client dans une protection plastique avec un mot d’explication.

Munitions et Pokémon

Les objets retrouvés sont, quant à eux, confiés à Raphaël Cornaz, responsable suppléant de la clinique. «Là, c’est la récolte du week-end», pointe-t-il en désignant une caisse en plastique remplie de toutes sortes d’éléments: une multitude de clés et de clés USB, des cartes d’identité ou bancaires, des plaques d’immatriculation, des porte-monnaie, un téléphone, ce qui ressemble à un produit de beauté, des cartes Pokémon et même une balle de pistolet.
Si une majorité de ces trouvailles sont issues des machines de tri, une petite partie proviennent d’une tendance plutôt insolite. «Aujourd’hui, quand quelqu’un ramasse quelque chose, il ne va plus jusqu’au poste de police, il le met dans la boîte aux lettres au coin de la rue», souligne Raphaël Cornaz. Charge ensuite à lui de retrouver le propriétaire. «Mais c’est aussi une preuve de confiance envers la Poste, les gens savent que l’on va faire le nécessaire», affirme-t-il tout en ouvrant l’un des porte-monnaie à la recherche d’indices. Tandis qu’il en inspecte le contenu, le téléphone à la vitre brisée vibre à de nombreuses reprises, dévoilant des caractères chinois. «Je ne peux pas le déverrouiller, par contre, je vais le garder encore un jour au cas où la personne appellerait.» Mais, tout comme sa collègue Fernanda Barreira, Raphaël Cornaz ne peut consacrer que quelques minutes à chaque élément. Il prend donc uniquement en charge ceux qui sont faciles à identifier. Les autres sont envoyés à la centrale des objets trouvés de Chiasso (TI). Pour autant, les cartes de remerciement affichées sur le mur viennent témoigner des nombreux succès de l’équipe de la clinique. Raphaël Cornaz sourit: «C’est un travail que j’apprécie, j’ai le sentiment d’être utile et de sauver des choses importantes pour les gens.»