Textes: Fabien Feissli
Photos: Laurent Crottet

Président de l’Union suisse des arts et métiers (Usam), Jean-François Rime représente un demi-million de petites et moyennes entreprises de Suisse. À bientôt 70 ans, celui qui est également conseiller national (UDC/FR) transmet, en douceur, ses trois PME à ses trois fils. Le Fribourgeois nous a reçus, dans ses bureaux de Bulle, pour évoquer le rôle bien particulier des patrons dans l’économie helvétique.

Président de l’Union suisse des arts et métiers, Jean-François Rime nous a reçu dans ses locaux, à Bulle (FR), pour parler de ceux qu’il représente: les patrons. Non pas ceux des multinationales, mais ceux des 500 000 PME qui font tourner l’économie helvétique. Et, s’il s’est retiré de la vie quotidienne de ses trois entreprises pour passer progressivement la main à ses fils, le conseiller national UDC se considère toujours comme patron. «Ma femme n’a qu’une seule crainte: que j’arrête de travailler et que je me retrouve à la maison», rigole-t-il.

Cela ressemble à quoi d’être patron en Suisse ?
C’est le plus beau métier du monde, surtout dans une PME comme la mienne. Ce n’est pas tous les jours rigolo, mais c’est un beau travail, je n’aurais pas voulu faire autre chose. On a la possibilité de prendre des décisions et c’est varié comme aucune autre fonction. C’est aussi l’une des difficultés de cette profession. Il faut être un homme-orchestre capable de gérer son personnel, d’être bon techniquement et d’être presque un juriste pour s’occuper de la partie administrative. Ce n’est pas simple.

D’après vous, quels sont les avantages et les inconvénients à ne pas être employé ?
Je ne peux pas vraiment répondre à cette question, car je n’ai pas suffisamment d’expérience. Je n’ai été employé que durant un an et demi en Allemagne. J’ai commencé tôt à avoir des responsabilités. Nous avons repris la scierie Despond en 1978 (réd: il avait 28 ans). L’employé, c’est vrai qu’il a peut-être une vie un peu plus tranquille. Quand vous êtes patron, c’est vous qui assumez, c’est votre argent. Je ne veux pas dire que les employés n’ont pas de responsabilités. Mais, même si vous avez d’excellents cadres, à la fin, les décisions difficiles arrivent quand même chez vous.

Concrètement, qui sont les patrons en Suisse ?
Les patrons de PME sont des personnes, comme moi, qui vivent avec la société, pas une classe à part qui vit au-dessus des autres. Un patron doit aimer être au contact des gens pour faire des affaires. Nous avons peut-être un niveau de vie plus élevé, mais nos salaires, dans les PME, sont raisonnables. On peut se payer deux-trois trucs, une jolie voiture, mais finalement on ne mange que trois fois par jour comme tout le monde. Et, quand vous êtes patron, vous devez, quand même, beaucoup travailler, vous n’avez pas forcément beaucoup de temps pour dépenser.

A vos yeux, être responsable d’une PME ou d’une très grande entreprise, c’est pareil ?
En tout cas pas au niveau du salaire (rires). Les gens des grandes entreprises, ce ne sont pas des patrons, ce sont des managers. Pour moi, la différence est claire. Quand vous êtes patron, c’est votre argent, votre responsabilité. Vous êtes en première ligne, si les choses tournent mal. Si vous faites trop d’erreurs, vous risquez la faillite et, ensuite, ce n’est pas si simple pour vous relever. On a besoin de tout le monde, mais l’armature de l’économie suisse, ce sont nos 500 000 PME. Elles fournissent 60% des emplois et elles assument aussi la formation.

Donc on ne peut pas se passer des patrons ?
Globalement, je pense que les gens se rendent compte que, dans la vie, nous avons besoin de personnes qui dirigent et d’autres qui font. Le système libéral fonctionne relativement bien, même s’il y a quelques excès qu’il faut corriger. Mais être patron, ce n’est pas réservé aux gens qui ont fait de grandes études. Un type qui a fait un apprentissage peut tout à fait devenir patron.

Pour vous, tout le monde peut tenir ce rôle ?
Non, je ne crois pas, il y a quand même une question de compétences techniques et administratives. Il faut aussi avoir le sens des relations humaines, notamment avec vos employés. Mais, le plus important, c’est d’avoir envie, parce qu’il y a des contraintes importantes.

En Suisse, vous trouvez qu’on soutient suffisamment les patrons ?
Le système actuel n’est pas mauvais. Au sein de l’Usam, nous avons un principe pour garder les choses aussi simples que possible: pour chaque nouvelle loi, nous estimons qu’il faut en supprimer une existante. Mais souvent le problème, ce n’est pas la loi en soi, c’est l’ordonnance qui est faite par l’administration par la suite. Par exemple, pour les produits alimentaires, la loi fait 20 à 30 pages et l’ordonnance en fait 1500. C’est là où cela se complique.

Qu’est-ce qui pourrait être fait pour faciliter la vie des entreprises ?
L’État ne peut pas prendre des mesures qui facilitent la vie des entreprises, mais l’important, c’est d’éviter qu’il ne prenne des mesures qui la compliquent.