TEXTES: FABIEN FEISSLI
PHOTOS: GEORGES HENZ

Dans le Jura, Christophe Angel travaille pour Sotoco, une entreprise gérant des machines à café et des distributeurs automatiques à travers tout le canton.
Sa mission? Installer, nettoyer et réapprovisionner ces appareils au rôle capital dans un grand nombre d’entreprises.
Avec le temps, Christophe a appris à cibler les préférences de ses clients: espressi bien serrés, sodas et chocolats. L’eau, elle, n’a que peu de succès.

«Il n’y a pas d’ascenseur?» s’étonne Christophe Angel en se passant une main dans les cheveux. Son collègue Benjamin Morillod confirme d’un signe de tête inquiet: «Ils m’avaient parlé d’un monte-charge, mais ça… ça ressemble plutôt à une grue. Ça n’a pas l’air très stable.» Les deux employés de Sotoco, société spécialisée dans les distributeurs automatiques de nourriture, contemplent le palan qui pend depuis le premier étage du bâtiment. C’est dans le local de pause de cette entreprise de Bassecourt (JU) qu’ils doivent livrer la nouvelle machine à boissons chaudes. Mais, pour le moment, ils hésitent encore sur la meilleure manière de hisser l’engin de 110 kilos jusque-là. «On a souvent des surprises, il faut savoir s’adapter. Et toujours avec le sourire», préfère philosopher Christophe.

Pour ne rien arranger, une fine pluie commence à s’abattre sur la commune. Après avoir envisagé différentes solutions, dont les escaliers, l’opérateur se résigne à faire confiance au palan. Pour cela, il va devoir coucher la machine et donc la vider des différentes poudres permettant de produire du café, mais aussi du thé ou de la soupe. «Je serai plus rassuré une fois qu’elle sera en place…» commente Benjamin. Un quart d’heure plus tard, soutenue par les deux hommes, la machine finit par s’élever dans les airs, oscillant d’un côté à l’autre. Elle atterrit finalement sans encombre au premier étage. Encore quelques efforts et l’appareil rejoint son emplacement à côté du distributeur à en-cas.

«Pour faire ce travail, il faut être débrouillard. J’aime tomber sur des problèmes et trouver des solutions par moi-même», explique Christophe, tout en commençant à raccorder la machine à l’eau et à l’électricité. Cet autodidacte a débuté dans le métier il y a dix-huit ans, un peu par hasard. Aujourd’hui, il apprécie le fait d’être continuellement au contact de nouvelles personnes. «On est souvent très bien accueilli, les gens nous assimilent au confort de la pause-café. D’une certaine manière, c’est grâce à nous qu’ils peuvent la prendre.» L’une des employées, à laquelle l’opérateur vient d’expliquer le fonctionnement de la nouvelle machine, abonde: «C’est vrai que c’est un endroit important de la vie de l’entreprise, les employés aiment avoir leur petit café.»

«Aucune idée de ce qu’il y a derrière l’automate»

Pourtant, le monde du travail n’est pas toujours aussi rose. «Certaines fois, les gens sont un peu stressés, ils viennent peut-être d’avoir eu un problème avec leur patron et ils sont encore énervés. Ils vont râler contre nous ou contre le matériel, alors que ce n’est pas forcément justifié.» D’ailleurs l’opérateur a un message à faire passer à ceux qui secouent le distributeur quand le produit qu’ils ont commandé ne tombe pas: «Peut-être que vous allez le récupérer, mais cela va faire bouger tous les autres et, ensuite, ce sont eux qui vont bloquer. C’est l’histoire sans fin.» Surtout qu’il assure que ce geste, qui peut paraître anodin, risque d’abîmer le mur, le sol et potentiellement la machine. «Pour une barre de chocolat à 1,20 francs on peut avoir des centaines de francs de réparation», regrette-t-il.

«C’est grâce à nous que les gens peuvent prendre leur pause-café.»

Christophe Angel, employé chez Sotoco

Il faut dire que Christophe a le sens du travail bien fait. Avant de partir, il teste consciencieusement toutes les boissons une par une, aligne l’appareil parfaitement dans l’angle et règle un dernier problème avec un minuscule bout de carton. «On revient dans dix ans, la machine est toujours dans la même position», assure-t-il en embarquant dans sa camionnette remplie de chocolats, de chips et de sodas. Direction la piscine de Porrentruy. Un endroit qu’il connaît bien, son entreprise entretient et approvisionne le distributeur automatique deux fois par semaine. «Avec les enfants et les ados, c’est plutôt boissons sucrées et bonbons», commente l’opérateur. Car, avec le temps, il a appris à cerner ses clients en fonction de leurs habitudes respectives. «C’est important de bien choisir les produits que l’on prend avec nous, cela évite les allers-retours. En Suisse, en général, c’est plutôt express très serrés, chocolats et sodas.»

Lui qui a longtemps travaillé en France ne regrette pas son arrivée dans le Jura. «Ici, les gens sont moins râleurs. Là-bas, ils ne voyaient que l’automate. Ils n’avaient aucune idée de tout ce qui se passe derrière.» Arrivé devant la piscine, Christophe remplit son chariot de victuailles et se rend directement au distributeur automatique. Deux rangées sont vides, celles des bonbons. Pas surpris, il ouvre l’appareil et commence à le réapprovisionner. Arrivé à l’étage de l’eau, il constate qu’il est encore bien rempli. «Pour le moment, c’est sûr que ce n’est pas nos meilleures ventes. Mais je pense que ça va venir.»