TEXTES ET PHOTOS:
SAMANTHA LUNDER

 

Que l’on soit un jeune en quête du job idéal ou d’un âge plus avancé avec un parcours de vie déjà entamé, on peut à tout moment ressentir le besoin de réfléchir à son avenir professionnel.
Sophie Voillat est cheffe du secteur post-obligatoire de l’Orientation professionnelle du canton de Fribourg. Elle nous parle des défis auxquels sont confrontés les gens à la recherche d’une nouvelle voie.
Elle met en lumière notamment le fait qu’il est devenu totalement normal de passer par plusieurs emplois différents au cours de son existence.

 

Difficile parfois de savoir si on prend la bonne direction en choisissant son métier: deviendra-t-il celui de toute une vie? En charge du secteur post-obligatoire du service fribourgeois de l’Orientation professionnelle et de la Formation des adultes, Sophie Voillat analyse la manière dont les conseils ont évolués au fil du temps.

Quels sont les enjeux de l’orientation professionnelle en 2020?
Je dirais, dans un premier temps, que le terme en lui-même d’«orientation» a bien évolué. Il sous-entend, selon moi, dans le langage courant que nous allons diriger la personne que nous avons devant nous vers telle ou telle profession. Comme si nous lui disions: «Vous devez faire ceci ou cela», alors que cela ne se passe plus forcément de cette manière. Aujourd’hui, je pense que les conseillers sont peut-être moins directifs qu’à l’époque. Notre rôle est de donner des pistes, en créant ensemble une sorte de livre rempli de tout ce que les personnes savent faire, et pourraient faire. Ainsi, elles repartent avec plusieurs clés pour faire leur choix.

De quelle manière trouvez-vous ce qui correspond ou non à quelqu’un?
Nous essayons, tout d’abord, de comprendre la demande des personnes qui viennent nous voir. Nous allons peut-être faire différents tests ensemble qui nous permettront de prendre en considération de nombreux facteurs. Tels que les compétences, les intérêts ou les projets personnels. Nous allons discuter ensemble des différents métiers possibles. Parfois, le simple fait de pouvoir en parler sera aidant. Ainsi la personne ne se retrouvera pas seule dans son coin à se poser plein de questions. Ici les gens en quêtes de réponses peuvent confronter les idées, se rendre compte de ce qui vient d’eux ou de l’entourage. C’est très important de pouvoir le différencier pour leur permettre d’avancer dans la direction qui leur correspond le mieux.

Comment s’assurer ensuite que l’on emprunte la bonne direction?
Dans la société, de manière générale, on ressent encore parfois cette incitation à ne suivre qu’une seule voie, par exemple celle des études qui mèneront automatiquement à un métier précis. Mais, au sein de l’orientation professionnelle, le discours n’est plus le même justement: les possibilités de parcours sont vraiment variées, aujourd’hui, pour atteindre un but. Les générations et les mentalités changent, et il ne faut plus penser qu’il n’y a qu’une seule bonne voie à emprunter. Si nous décidons de prendre une nouvelle direction, ce n’est en aucun cas une erreur ou un problème. Cela nous amènera un peu plus loin. De plus, nous devons essayer de nous préparer pour des métiers qui n’existent pas encore: ceux de demain, qui sont liés à l’apparition des nouvelles technologies. Le monde professionnel est très mouvant, et il faut pouvoir s’y adapter.

«On constate des conflits de loyauté entre l’ado qui souhaiterait se diriger vers une formation, mais qui décide de suivre la voie que son cercle familial lui propose.»

Sophie Voillat, cheffe de secteur à l’Orientation professionnelle de Fribourg

Les changements de voie sont-ils acquis dans notre société?
Cela commence gentiment à devenir la norme, mais il y a encore une pression de ce schéma tout tracé. Il se peut, par exemple que l’on constate des conflits de loyauté entre l’ado qui souhaiterait se diriger vers telle ou telle formation, mais qui décide de suivre la voie que son cercle familial lui propose, simplement dans le but de ne pas les décevoir. Je pense qu’il faudrait s’enlever la pression qu’il faut faire juste du premier coup. La peur de ne pas faire le bon choix est quand même très présente. À tous les âges, nous constatons que les gens ressentent le besoin d’être rassuré, de faire le point sur leurs compétences et de se les approprier. La pression de la réussite est, elle aussi, très forte. Dans notre profession, nous constatons que tout le monde ne va pas au même rythme, et que cela prend du temps de «réussir» – encore faut-il définir ce que signifie «réussir». Il faut parfois retourner en arrière pour mieux avancer, et cela devrait être totalement acceptable.

Pourquoi est-ce important de le comprendre?
C’est une nécessité pour chacun. Actuellement, dans la société, nous observons que les individus commencent à mettre plus d’importance sur leur bien-être au travail, et celui en dehors du travail. Tout le monde ne souhaite plus travailler à 100%, pour se laisser également davantage de temps pour soi. Petit à petit, le travail comme activité centrale commence à perdre de l’importance. Mais, aujourd’hui, trouver sa place et se sentir bien passe encore par une bonne intégration professionnelle.

Finalement, est-ce toujours possible de suivre le chemin que l’on désire le plus?
Il y a effectivement plusieurs freins qui se mettent en travers des rêves que nous avons en nous: par exemple les finances, le temps à disposition ou le sentiment d’incompétence. Il y a des premières formations pour adultes dont le coût peut peser lourd sur certains budgets. Certaines personnes laisseront tomber leur projet à cause du montant trop important. Les soutiens financiers devraient pouvoir être plus élevés. Je pense que ce qui est important, c’est que nous, en tant que conseillères et conseillers, puissions rendre les gens attentifs à ce qui existe sur le marché, aux enjeux qu’ils peuvent rencontrer, aux différentes possibilités qu’ils auraient. Ensuite, cela relève de la responsabilité de la personne de décider si elle veut foncer ou non, s’engager ou non dans une formation, en fonction des éléments que j’évoquais tels que les aspects financiers ou ses disponibilités.