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SAMANTHA LUNDER

 

Conseillère en santé sexuelle à Delémont, Catherine Charmillot accueille, plusieurs fois par semaine, des personnes cherchant des réponses concernant leur sexualité.
Avec ou sans rendez-vous, celles-ci peuvent, par exemple, venir au centre demander des conseils pour une pilule d’urgence, un dépistage de maladie, une interruption de grossesse ou trouver refuge lors de situations violentes.
Selon la professionnelle, les gens osent davantage venir en parler, mais des efforts restent encore à faire. Tout l’enjeu, pour elle, est de savoir leur tendre une oreille attentive, qui saura les aider à trouver des solutions.

 

D ifficile parfois de savoir comment réagir face à une grossesse inattendue ou à une angoisse liée à un risque d’infection sexuellement transmissible. Au centre de Santé sexuelle-planning familial Jura (SSJU), dont une des trois antennes est basée à Delémont, les conseillères reçoivent quotidiennement des personnes en quête de réponses. Catherine Charmillot, conseillère depuis cinq ans ici, parle d’un métier où il est primordial d’offrir une écoute dénuée de tout jugement. Aujourd’hui, venir y demander de l’aide s’est démocratisé. Mais parler de sexualité, surtout lorsque des interrogations importantes entrent en jeu, n’est pas encore totalement acquis pour tous. Elle souligne l’importance de ces centres, qui permettent à toute la population de venir y trouver de l’écoute en toute bienveillance et confidentialité. Car, aujourd’hui encore, la prévention autour de certaines thématiques n’est pas toujours entendue.

En 2020, quel est le rôle d’un centre comme le vôtre?
Depuis plusieurs années, nous allons vers une globalisation de la santé sexuelle. Nous ne sommes plus dans une discussion autour d’une grossesse ou d’une maladie uniquement, les thèmes abordés sont beaucoup plus vastes. Ils s’étendent aux droits sexuels, aux violences, aux aspects relationnels, à la notion de plaisir ou encore aux questions d’identité de genre. On reconnaît que la santé sexuelle fait partie des besoins fondamentaux de l’être humain. Il faut que les gens puissent avoir accès à ces connaissances, pour pouvoir réagir lorsqu’il est nécessaire et s’épanouir dans leur santé sexuelle.

Justement, comment la recherche de ces informations a-t-elle évolué au fil du temps?
Tout comme pour d’autres sujets tabous, je pense qu’on parle un peu plus de sexualité aujourd’hui. À l’école déjà, les jeunes reçoivent les cours obligatoires, mais, une fois dehors, c’est important qu’ils sachent où aller. Car il arrive qu’un jeune ne se sente pas forcément concerné sur le moment, et n’entende pas les informations qu’on lui fournit.

Les personnes qui viennent consulter poussent-elles la porte du cabinet plus facilement qu’autrefois?
Notre spécificité est qu’on peut venir sans rendez-vous, en étant sûr que l’anonymat sera conservé. Nous sommes ouverts tous les après-midis et il est rare que nous n’ayons personne. Le fait de se présenter ici s’est démocratisé, mais je n’irais pas jusqu’à dire que c’est comme au Québec: on n’en est pas encore à parler de santé sexuelle au bistrot, si ce n’est sous forme de blagues sur le sexe (rires). En 2018, nous avons eu 1223 visites sur nos trois sites, avec une majorité de jeunes de 16 à 19 ans. Nous avons effectivement constaté une augmentation ces cinq dernières années. Depuis 1992, nous sommes le centre jurassien de dépistage anonyme pour le VIH et cette prestation nous a permis d’élargir notre clientèle, plus spécifiquement dans la population masculine. Je pense que ce qui aide, ce sont aussi les visites groupées que nous faisons avec les classes. Lorsqu’un jeune a vu cet endroit, c’est toujours plus simple ensuite d’y revenir.

«Chacun a le droit de vivre sa sexualité comme il l’entend et les erreurs peuvent arriver..»

Catherine Charmillot, Conseillère en santé sexuelle

Pour quel type de demandes les gens font-ils appel à vous?
Nous avons beaucoup de questions concernant la contraception, les pilules d’urgence, mais aussi les interruptions de grossesse ou les tests pour les infections sexuellement transmissibles. Notre rôle est d’apporter un soutien psychologique, sans jugement, et de proposer des prestations accessibles financièrement pour tout le monde. Les entretiens sont gratuits et nous avons des tarifs bas pour les différentes prestations.

Vous parlez de confiance et d’écoute sans jugement, pourquoi est-ce primordial dans ce domaine?
Lorsqu’on travaille dans la santé sexuelle, nous devons avoir de l’empathie et une grande compréhension: quand la personne pousse notre porte, nous la félicitons déjà pour sa démarche. Les gens les plus gênés ne viendront malheureusement pas. Mais de quel droit pourrions-nous juger? Chacun a le droit de vivre sa sexualité comme il l’entend, dans le respect des lois et de l’intégrité personnelle, et les erreurs peuvent arriver. Lors des deux ans de notre formation, nous abordons tant les aspects du savoir-faire que du savoir-être.

Est-ce toujours simple de ne pas prendre parti?
Chaque conseillère soutiendra la personne qui se trouve devant elle en fonction de l’éthique professionnelle et non de ses échos personnels. Je dirais que l’aspect difficile de notre métier est le non-suivi des personnes qui consultent: elles viennent de façon ponctuelle, parfois, puis nous les redirigeons vers notre réseau d’aide en fonction des besoins. Par exemple, lors d’une ambivalence de grossesse (réd: lorsqu’une femme est enceinte et ne sait pas si elle souhaite, ou non, continuer la grossesse), on a forcément un moment où la femme nous demande: «Et vous, vous feriez quoi à ma place?» Nous ne sommes pas en mesure de répondre à cette question et nous guiderons la consultante afin qu’elle intègre tous les tenants et aboutissants de sa situation et puisse faire le choix le meilleur. Au final, on ne saura pas nécessairement ce que la femme aura décidé.

Certaines rencontres vous ont-elles particulièrement marquée?
En ce qui me concerne, je suis très touchée par toutes les situations qui sont liées à la violence. Lorsque que l’on me parle de contrainte sexuelle, qui son poursuivies d’office, mais que la personne devant moi ne veut pas annoncer, par exemple. Ce n’est pas évident en tant que femme, en tant que mère d’entendre cela. Là, on sera davantage dans un entretien motivationnel pour confirmer à ces victimes qu’elles sont à la bonne place.