TEXTE ET PHOTOS:
SAMANTHA LUNDER

 

Grégoire Droz-dit-Busset aime se décrire comme une personne entendante, avec un handicap auditif. Porteur d’un appareil, depuis ses 4 ans, il a toujours trouvé des moyens de s’adapter à son environnement.
Au quotidien, il doit faire face à différentes situations, notamment lors de ses déplacements, où il peine à comprendre certaines informations données oralement.
Nous l’avons accompagné dans les rues de Neuchâtel afin de voir ce qui, pour lui, est problématique lorsqu’on naît ou que l’on devient malentendant.

Un bruit puissant se fait entendre: un train de marchandises passe sur la voie ferrée. À toute vitesse. Grégoire l’aperçoit du coin de l’œil, alors que la machine est déjà à quelques mètres de lui. Il fait un pas vif en avant pour s’en éloigner. «Voilà, ça c’est typique, il n’y a eu aucune annonce aux haut-parleurs. Alors, si je n’avais pas ressenti les vibrations du sol, j’aurais pu sursauter, et qui sait comment j’aurais réagi?» constate le Neuchâtelois. Grégoire Droz-dit-Busset décrit une situation quotidienne qu’il a l’habitude de vivre. Tout le monde pourrait être surpris par l’entrée en gare d’un tel train bruyant, mais pour lui c’est encore un peu différent: né avec un handicap auditif, le jeune homme de 22 ans n’a pas entendu le convoi arriver au loin. Même s’il possède un appareillage dernier cri, il y a de multiples situations où il doit faire preuve d’adaptation. Comme lorsqu’il se retrouve sur un quai, où la pollution sonore est bien présente. «Il y a des endroits où des efforts sont faits pour nous faciliter la vie, mais cela ne va pas toujours jusqu’au bout», sourit-il en pointant du doigt le panneau d’affichage. À la gare de Neuchâtel, certains sont encore à palettes, à savoir l’ancien système. Il explique que les nouveaux, numériques, sont bien plus clairs pour les personnes malentendantes comme lui. «Ce n’est pas du tout une volonté des CFF de nous embêter, j’en suis bien conscient, mais avec les anciens modèles ils ne peuvent, par exemple, pas communiquer autrement que de manière orale un changement de composition du train», continue-t-il. Un vrai problème pour Grégoire, qui se souvient de s’être retrouvé, à plusieurs reprises, au mauvais endroit sur le quai, à devoir courir jusqu’à l’autre bout à cause de la composition du train qui n’était pas celle annoncée. Une situation qui peut, bien sûr, arriver également aux personnes entendantes, mais qui sont, elles, souvent informées grâce aux haut-parleurs. «Si je ne suis pas assez proche, j’entends que quelque chose est dit, mais il m’est impossible de le comprendre, cela me rajoute un vrai stress.» Car les appareils auditifs qu’il porte peuvent parfois, lorsqu’il y a du bruit ambiant, ne pas réussir à capter un son en particulier ou certaines fréquences trop élevées. Il essaie alors au maximum d’utiliser l’application sur son téléphone, mise à jour plus rapidement.

«Je dois souvent m’excuser»

«Chaque malentendant aura une sensibilité différente. Dans mon cas, j’ai de la peine à comprendre les fréquences aiguës», ajoute-t-il. Il n’entend, par exemple, que rarement le signal que donnent les bus sur la place Pury, au cœur de Neuchâtel, pour avertir les piétons de leur passage. «Je dois souvent m’excuser auprès du chauffeur, qui m’aperçoit vraiment proche de son véhicule.»
Ce handicap n’a jamais empêché l’étudiant de deuxième année à l’Université de Neuchâtel de trouver ses propres astuces pour surmonter ses difficultés. Il s’investit, aujourd’hui, comme secrétaire bénévole du conseil de fondation et du comité de direction de Forom écoute, la Fondation romande des malentendants, basée à Pully (VD). «Quand je dis que je suis malentendant, les gens me répondent: « Ce n’est pas possible, tu parles bien! » Effectivement, je ne me suis jamais muré dans le silence.» Il souligne que beaucoup de clichés sont partagés autour de cela. Notamment celui que les personnes sourdes ou malentendantes s’expriment peu, ou mal, de manière orale et privilégient donc la langue des signes ou la langue parlée complétée. Il se souvient particulièrement de ce collègue de travail, constamment agacé par le fait que Grégoire ne l’entendait pas. «Il s’énervait tout le temps en croyant que je faisais exprès de ne pas l’entendre. Il a fallu établir une meilleure communication entre nous, car il ne saisissait pas pourquoi à certains moments je ne percevais tout simplement pas qu’il s’adressait à moi.» Il explique qu’il ne capte pas forcément l’origine d’un son qu’il entend, d’où le fait que certaines incompréhensions peuvent naître.

«Il n’y a eu aucune annonce aux haut-parleurs. si je n’avais pas ressenti les vibrations du sol, j’aurais pu sursauter, et qui sait comment j’aurais réagi ?»

Grégoire Droz-Dit-Busset, malentendant

Le Neuchâtelois est convaincu qu’il a pu gagner en confiance et s’adapter ainsi en admettant son handicap lors de situations compliquées. «La vitre de protection au guichet des banques, par exemple, est un obstacle de taille. Je dois me concentrer sur la lecture labiale, car ils parlent vraiment doucement, pour des questions de confidentialité.» Une solution serait, selon lui, qu’il puisse avoir des entretiens privés sans rendez-vous lorsqu’il a des demandes particulières à faire au sujet de ses finances. Mais c’est parfois compliqué à saisir quand on est de l’autre côté, car son handicap est invisible. Lui compte bien se donner les mêmes chances que tout le monde pour son avenir professionnel: il rêve de devenir journaliste radio. «On me dit souvent que je suis un peu fou d’espérer cela. Je peux comprendre, mais je compte bien me battre pour y arriver.»