TEXTES: Samantha Lunder
PHOTOS: Sébastien Bovy

Hippothérapeute depuis onze ans, Myriam Dutruy accueille ses patients dans la ferme familiale de Luins.


Face aux besoins du quotidien évoqués par ses patients, elle vient de mettre en place Lienes, une entreprise au service des personnes âgées ou en situation de handicap.

Ce service vise à leur offrir une plus grande indépendance.
En tant que coordinatrice, elle se charge de trouver des prestataires permettant à tous de continuer à vivre chez eux, avec des aides.

C’est grâce à son métier d’hippothérapeute que Myriam a découvert le monde du handicap. Une pratique
qui lui a donné envie de s’investir encore davantage pour ces personnes en créant Lienes.

La pluie tombe à grosses gouttes ce matin-là. Dans les écuries, Myriam Dutruy prépare son cheval. Ce n’est certainement pas la météo capricieuse qui va l’empêcher d’accueillir ses premiers patients de la journée. Avec ses bottes et son imperméable, elle est parée. Dominique*, qui vient pour sa séance hebdomadaire, la rejoint, elle aussi un bonnet sur la tête. Elles prennent le chemin de la rampe, pour lui permettre de passer de sa chaise roulante au dos du cheval. La patiente est atteinte d’une sclérose en plaques, elle vient ici pour renforcer ses muscles. Une fois en selle, c’est parti pour une demi-heure d’exercices dans les champs autour de la ferme familiale, à Luins (VD). «Voilà, c’est très bien, maintenant lève les bras à l’horizontale, nous allons travailler sur l’équilibre», lui explique Myriam après un premier aller-retour en marchant. Hippothérapeute depuis onze ans, la Vaudoise s’est depuis toujours investie pour aider les autres. Elle travaille, aujourd’hui, au quotidien avec ses chevaux, pour apporter davantage de mobilité aux personnes touchées par une maladie ou victimes d’un accident. «Nous traitons, à l’aide du cheval, les problèmes moteurs. En avançant au pas, il reproduit le mouvement de la marche physiologique pour le patient qui se trouve sur son dos», continue-t-elle. Celle qui a initialement suivi une formation de physiothérapeute spécialisée dans la neurologie a découvert sa passion pour les chevaux lorsqu’elle était petite. «Cela me vient de mon papa, depuis enfant je voulais faire tout ça», se souvient-elle.

«Cela peut aller d’une toute petite aide aux courses,
à une présence plus régulière»

Myriam Dutruy,
hippothérapeute et fondatrice des lienes

«Ils m’ont confié ce qu’ils vivent»
Elle a décidé d’aller encore plus loin dans le soutien qu’elle apporte à ceux qui font appel à elle. À force de côtoyer des personnes en fauteuil roulant ou physiquement touchées, Myriam a constaté que beaucoup se retrouvent, encore aujourd’hui, démunis au moment de demander de l’aide pour les tâches du quotidien. «À l’époque, la famille s’occupait systématiquement des proches devenus âgés ou en situation de handicap, constate-t-elle. Mais aujourd’hui on n’a plus le temps ou l’énergie.» Elle a alors voulu trouver une manière de venir en aide autrement à ces personnes. Dans l’idée de leur permettre de rester chez eux en conservant un maximum d’indépendance. «Ils m’ont confié ce qu’ils vivent, combien il est difficile pour eux qu’on ne les aide pas à trouver des solutions», ajoute Myriam. Aussi elle a décidé de fonder Lienes, une entreprise visant à trouver pour chacun les assistances nécessaires dans la région. Livraisons de repas à domicile, heures de ménage ou courses: son but est de rencontrer un maximum de professionnels, dans tous les domaines, pouvant être utiles au quotidien à ces gens.

«Prendre le temps de voir ce qu’on peut aménager»
Car le simple fait de bien s’organiser pour gérer ces petites choses de tous les jours, tous ne peuvent plus le faire par eux-mêmes. C’est pourquoi Myriam a voulu se positionner comme coordinatrice de tous ces services. «Il s’agit de prendre le temps de voir ce qu’on peut aménager ensemble pour que la vie soit aussi agréable que possible, complète-t-elle. Bien entendu, cela se fait en fonction des besoins de chacun, cela peut aller d’une toute petite aide aux courses à une présence beaucoup plus régulière.» Car les possibilités existent, mais, à ce jour, tout le monde ne sait pas forcément de quelle manière y accéder. Son principal regret: voir beaucoup de gens placés en institution ou en EMS «alors que cela n’est pas forcément nécessaire», poursuit-elle.

Évaluation des besoins, élaboration d’un plan d’aide hebdomadaire, Myriam s’engage à contrôler la qualité de ceux avec qui elle met ses clients en relation. Elle les laisse aussi gérer les rendez-vous par eux-mêmes s’ils le souhaitent. «Tout dépendra du besoin de celui qui me contacte. Je peux simplement faire le lien avec le prestataire ou organiser le calendrier complet, mais je ne suis pas une agence de placement, l’engagement se fait ensuite entre eux.» Son idée étant également de participer à redonner une vie sociale à ces gens. «L’idéal serait de pouvoir aussi passer du temps avec eux, en cuisinant par exemple à leur domicile ou en partageant le repas», explique Myriam. Que cela soit une entreprise ou même une personne cherchant une activité auxiliaire, les propositions de services n’ont pas de limites. Elle se tourne vers des entreprises ou des indépendants, pour pouvoir trouver les employés qui auront les compétences pour réaliser la tâche demandée. Son approche se veut d’être à l’écoute du rythme de chacun, pour que, quelle que soit la situation de vie, on puisse toujours garder une certaine autonomie. «Mon fils de 9 ans m’a demandé, il y a quelque temps, comment je définissais le handicap. Je lui ai répondu que c’est lorsqu’on est face à certaines difficultés et qu’il faut faire avec. Spontanément, il m’a dit: «Alors, maman, on est tous handicapés.” Il n’a pas tort.» Pour Myriam, ce qu’elle met en place est aussi un moyen de briser la différence. «Pourquoi, derrière tout cela, chacun ne pourrait-il pas vivre de la même façon? J’agis simplement pour qu’on arrête de stigmatiser le handicap.»

*nom connu de la rédaction.

«J’agis simplement pour qu’on arrête
de stigmatiser le handicap»

Myriam Dutruy, Hippothérapeute et fondatrice de lienes