TEXTES: FABIEN FEISSLI PHOTOS: CHRISTIAN BONZON

Fondée en 2017, la start-up Alterum s’est donné une double mission ambitieuse: lutter contre la solitude des personnes âgées tout en aidant les plus de 50 ans à trouver du travail. Grâce à la plateforme, Cosette Rohart se rend, tous les jeudis matin, chez Fortunée Vaccaro-Danan, à La Chaux-de-Fonds, pour l’aider à faire son ménage ou ses courses. Mais leur relation va bien au-delà du simple service à domicile, les deux femmes sont très rapidement devenues amies et partagent volontiers un café ou une conversation.

«Je ne la voulais pas, mais elle est restée quand même.» Voilà comment Fortunée Vaccaro-Danan présente celle qui vient lui rendre visite tous les jeudis matin depuis le mois d’août: Cosette Rohart. Et, à voir son regard malicieux, il est évident que l’octogénaire de La Chaux-de-Fonds plaisante. Privilège de l’âge, celle qui a longtemps travaillé comme interprète dans l’horlogerie adore affirmer l’inverse de ce qu’elle pense. Les deux femmes se sont rencontrées, en août dernier, grâce à la start-up Alterum, une plateforme d’aide à domicile qui n’emploie que des personnes de plus de 50 ans (lire interview). «C’est ma fille qui m’a inscrite. J’ai eu des soucis de santé et il me fallait une personne pour m’aider», rembobine Fortunée. Ainsi, Cosette vient, une fois par semaine, pour faire le ménage ou l’accompagner pour les commissions. «Mais cela va bien au-delà de ça. Souvent je travaille en discutant avec elle ou alors je m’assieds quand j’ai fini pour boire un café. On se raconte notre vie, on rigole bien. Mon rôle, c’est aussi de lui tenir compagnie», raconte la quinquagénaire. Fortunée abonde. «J’attends toujours les jeudis parce que je sais qu’elle vient. Je suis très contente, elle est très gentille avec moi, c’est ma copine», sourit-elle, installée dans son canapé tandis que Cosette empoigne l’aspirateur. À demi-mot, la retraitée, qui a vécu au Maroc et au Brésil avant de venir s’installer en Suisse à 27 ans, confie une certaine solitude: «Mes enfants viennent me voir, parfois aussi les voisins, mais c’est vrai que je me sens un peu seule.» C’est justement pour lutter contre ce problème qu’Alterum a été créée. «Ce qui est bien, c’est que ce sont toujours les mêmes duos. Cela permet de faire connaissance et de créer des amitiés», observe Cosette, qui, au total, s’occupe de trois seniors à La Chaux-de-Fonds. Droguiste de formation, la Neuchâteloise a longtemps travaillé dans un laboratoire d’analyse de métaux précieux, mais il lui manquait le côté humain. «Aujourd’hui, je me forme pour devenir hypnothérapeute, donc j’avais du temps libre. J’apprécie ce système parce que c’est très flexible», détaille-t-elle. Son activité au sein d’Alterum lui apporte un petit revenu d’appoint, 22 francs l’heure, mais surtout une belle relation. «Fortunée a eu une vie incroyable, cela me fait rêver, on pourrait écrire un livre.»

«Souvent, je travaille en discutant avec elle. Mon rôle, c’est aussi de lui tenir compagnie.»

Cosette Rohart, employée d’Alterum

«Un site de rencontres mais pour l’emploi»

Informaticien de formation, Julien Baertschi a cofondé, il y a deux ans, Alterum, une start-up qui veut agir contre la solitude des seniors tout en combattant le chômage des plus de 50 ans.

D’où vous est venue l’idée d’Alterum?
J’ai une maman qui travaille dans les soins à domicile et qui m’a beaucoup parlé de son quotidien, des difficultés de son métier et de la solitude des personnes âgées. Un jour, en regardant un reportage sur les plus de 50 ans qui ont de la peine à retrouver du travail, je me suis dit qu’il était possible de lutter contre ces deux problèmes d’un coup.

Comment ça?
Chez Alterum nous n’engageons que des quinquagénaires pour faire de l’aide à domicile: cela peut être le ménage, les courses, la lessive, la cuisine, le jardinage ou simplement des promenades. On ne se rend pas compte, mais si vous allez au chômage à plus de 50 ans et que vous ne retrouvez pas rapidement quelque chose, vous êtes cuit. Nous, on veut justement montrer que ces gens-là ne sont pas cassés. Au contraire, ils ont un vécu qui facilite la discussion avec les seniors et, souvent, ils se sont occupés de leurs parents, donc ils ont déjà une expérience dans le domaine.

Qu’est-ce qui différencie Alterum d’une aide à domicile classique?
L’objectif, c’est de sortir de la relation client-entreprise pour offrir aux seniors un service personnalisé et humain qui ne soit pas fait dans le stress. C’est pour cela que, chez nous, nous pouvons assurer à 100% que c’est toujours le même collaborateur qui vient. Cela rassure la personne âgée, qui n’a pas besoin de toujours tout réexpliquer, et cela crée du lien social entre les deux.

Concrètement, comment est-ce que cela fonctionne?
C’est comme un site de rencontre, mais pour les recherches d’emploi. L’algorithme va regarder, dans un rayon de 15 kilomètres, les services demandés, les disponibilités et les passions de chacun afin d’associer les personnes qui auront le plus de points communs. Aujourd’hui, nous comptons déjà une centaine d’employés, qui travaillent tous à moins de 40% pour avoir le temps de bien connaître les gens dont ils s’occupent. Notre objectif, désormais, c’est de continuer à grandir, en ajoutant des services et en nous étendant à la Suisse allemande.