TEXTES: SAMANTHA LUNDER
PHOTOS: GENNARO SCOTTI
Une simple caisse en bois remplie de multiples petits sachets en papier annotés à la main. Voilà à quoi ressemble la grainothèque de la Bibliothèque municipale Saint-Jean à Genève. Posé sur le coin d’une table entre deux rayonnages, le dispositif passerait presque inaperçu. Pourtant, le concept, lancé il y a trois ans par l’association Les Jardins des Délices, a trouvé son public. «On voit très régulièrement que les cases se vident et se reremplissent. Les gens l’utilisent, mais ils sont très discrets et totalement autonomes», observe Christian Liechti, responsable de la bibliothèque. Caroline Dommen, l’une des initiatrices du concept, va dans le même sens. «À l’inauguration, on a eu plus de 200 personnes. Aujourd’hui, je pense qu’il y a une cinquantaine de jardiniers qui l’utilisent chaque année. On voit que le livre d’or se remplit, que les sachets disparaissent.» Car le fonctionnement de la grainothèque est très simple: les intéressés peuvent prendre gratuitement les semences qu’elles désirent pour les utiliser chez elles. «On a choisi de marcher sur la confiance. Tout le monde peut venir se servir, on demande seulement aux gens de respecter une charte. Notamment, de ne prendre que les graines dont ils ont besoin», détaille la Genevoise. Une manière, selon elle, de faciliter les échanges. «C’est sympa de voir qu’une plante qui m’a fait plaisir chez moi voyage et continue à vivre chez quelqu’un d’autre.» Pour les plus novices, des pots et du terreau sont même à disposition. «Notre objectif, c’est aussi de pousser ceux qui n’ont jamais jardiner à essayer. L’avantage de la bibliothèque, c’est que cela nous permet d’attirer des personnes qui viennent chercher un livre et qui sont intriguées.»
«La magie de la grainothèque»
À l’inverse, les plus aguerris sont invités à venir y déposer leurs semences. «Quand vous commencez à recueillir les graines de vos plantes et à les conserver, vous en avez tout de suite trop, vous ne savez plus quoi en faire. Quand vous ouvrez une tomate, par exemple, vous voyez qu’il y en a des dizaines voire des centaines.» D’ailleurs, en ce moment, la grainothèque est assez vide, car la récolte se fait plutôt à l’automne. Caroline Dommen s’attend donc à voir les casiers se remplir de petits sachets dans les semaines à venir. «La magie de la grainothèque, c’est qu’on n’est jamais sûr, car tout cela fonctionne presque en autogestion, mais on espère», sourit-elle. A chaque dépôt, les donateurs sont censés indiquer le nom de la graine, la date à laquelle elle a été récoltée et sa provenance. «Les gens apportent des graines de bonne foi, mais nous ne sommes pas des professionnels, donc on ne peut pas garantir un taux de germination comme celui du commerce», prévient tout de même la Genevoise.Une contrainte qui ne lui pose aucun problème, bien au contraire. «La plupart du temps, les semences achetées sont ce qu’on appelle des hybrides F1. La première année, elles vous donnent des récoltes incroyables, mais la seconde, soit elles sont stériles, soit vous obtenez des choses imprévisibles.» Une situation à laquelle les Suisses ne sont pas assez sensibles à son goût. «Nous sommes très flemmards, parce qu’on a les moyens d’acheter un sachet de graines à cinq francs au supermarché chaque année. Mais je vous assure que, dans certains pays, le petit producteur va être très attentif à ça», souligne Caroline Dommen.