TEXTES: SAMANTHA LUNDER
PHOTOS: MURIEL ANTILLE

Depuis le mois de mars, Isabelle Simon exerce comme psychologue, dans son cabinet de Lausanne, en compagnie de son berger blanc suisse Basco.
Lors des consultations, elle observe les interactions entre le chien et l’humain pour affiner l’analyse qu’elle fera de son patient.
Des sentiments enfouis qui se révèlent en caressant le chien, ou des langues qui se délient plus facilement dans le jeu avec l’animal: grâce à sa présence, elle a pu constater de vrais changements de comportement chez certains patients.

Dans ce cabinet lausannois, les doudous en forme de canard et de chauve-souris sur le sol se mêlent à la littérature dispersée sur les étagères. Bien installé sur son tapis aux motifs de pattes de chien, à côté d’un imposant fauteuil, Basco se prélasse. Le berger blanc suisse de 15 mois attend, sans broncher, le prochain patient de sa maîtresse. Isabelle Simon est psychologue FSP au sein du cabinet du Boisy à Lausanne. Elle a choisi de travailler, depuis l’automne dernier, en compagnie de son fidèle compagnon à quatre pattes.
«J’exerce depuis 2004, notamment avec des patients à haut potentiel. Un moyen d’apprendre à gérer cela est de trouver un ancrage pour se rattacher à son propre corps, explique-t-elle. La présence d’un animal peut aider, car elle va, dans certaines situations, permettre à la personne de sortir une émotion enfouie.»
Chaque matin, elle commence donc ses journées en présence de Basco. Dès les premières séances, sa façon d’être lui apporte des réponses. La professionnelle se souvient particulièrement de ce jour où son chien a fait pleurer un monsieur très rigide. «Il s’est soudain retrouvé en larmes au moment où l’animal a posé sa patte sur son genou. Je ne pensais pas que cet homme réagirait ainsi», confie-t-elle. Ou encore de cette jeune adolescente silencieuse pendant plusieurs rencontres, dont la parole s’est déliée en jouant dix bonnes minutes avec Basco sur le sol. «À ce moment précis, j’ai réalisé que le chien lui avait fait beaucoup de bien, poursuit-elle. Je peinais à nouer un vrai dialogue avec cette jeune fille lors de nos précédents rendez-vous, Basco nous a aidées à communiquer.»
Des interactions, mais aussi des gestes ou des sons de la part du chien qui auront un sens pour Isabelle Simon. «Cela peut être interprété de différentes façons, bien sûr, et il faut rester prudent. Mais une fois, lors d’une toute première rencontre, une femme contenait, sans que je le remarque, une forte émotion de tristesse. Basco était sur son tapis et, à un moment du récit, il s’est mis à chouiner. Je pensais qu’il voulait sortir, mais ma patiente m’a dit qu’elle n’arrivait pas à se mettre à pleurer devant moi, alors le chien a pleuré pour elle.»

«Je collabore avec lui»

Justement, comment réussir à y voir clair dans ces réactions si subtiles de l’animal? Comment y trouver la bonne interprétation? Pour la psychologue, tout est une question d’équilibre. «Bien sûr, on peut s’interroger sur la part de vérité, sur la rationalisation que l’on va donner nous-même, en tant qu’être humain, au message que l’animal transmet par son comportement. Cependant, plusieurs études ont montré qu’il capte l’état physique et émotionnel dans lequel nous pouvons nous trouver, qu’il s’adapte, communique et apporte son aide à sa manière, sur les plans physique et émotionnel au moins. J’ai vraiment l’impression de collaborer avec lui. Surtout quand je vois une personne plonger, en se mettant à pleurer ou à retrouver de la joie après en contact avec Basco.

L’attitude du chien peut être interprétée de différentes façons, il faut rester prudent.

Isabelle Simon, psychologue

Son but n’est jamais de forcer l’interaction, mais de laisser plutôt les événements se produire et de les observer attentivement. «La manière dont Basco salue les gens me dit déjà beaucoup sur l’état émotionnel de mes patients, poursuit-elle. Dans plusieurs situations, j’ai très concrètement réalisé que sa présence m’a permis d’aller bien au-delà de ce que j’aurais pu imaginer. Alors que, dans d’autres moments, le chien ne nouait pas de contact particulier et ce n’est pas grave.»

Une question d’observation

La psychologue de 51 ans précise aussi que sa manière de fonctionner ne consiste pas à faire de la communication animale ou de la zoothérapie. «Il existe des formations spécifiques à cela, qui impliquent un rôle actif du chien pendant la consultation, où je l’inciterais à être davantage en contact avec le patient. Mais ce n’est pas ce que je souhaite faire pour le moment. Lorsqu’une personne vient me voir, elle interagit en premier lieu avec moi.»
Un coup d’œil sur l’animal peut, parfois, lui suffire pour en tirer du sens. «Il faut être attentif, mais il y a aussi des moments où Basco va exprimer quelque chose de façon très concrète.» Elle se souvient, alors, de cette femme qui est entrée dans son cabinet en retenant son émotion. Basco est allé chercher la boîte de mouchoirs sur le meuble pour la lui proposer. Il n’avait jamais fait ça, c’était impressionnant, c’est comme s’il avait senti qu’elle était au bord des larmes.»
Basco a très clairement permis à Isabelle Simon de désamorcer des situations où l’émotion était cachée. Simplement grâce au fait de câliner son pelage blanc ou de s’adresser à lui directement. «Avec du recul, je vois que des patients ont pu baisser la garde et se laisser aller, en me confiant ensuite: « Heureusement que le chien était là, autrement jamais je ne vous aurais parlé de cela.»