TEXTES ET PHOTOS: SAMANTHA LUNDER

À la clinique vétérinaire Medi-Vet de Lausanne, chiens et chats viennent donner leur sang pour permettre à d’autres compagnons d’être transfusés.
Les propriétaires sur la liste peuvent être appelés à tout moment, car les prélèvements s’effectuent sur demande selon les besoins. Pour sa santé, l’animal devra, ensuite, attendre trois mois avant de pouvoir être à nouveau sollicité.
Actuellement, huit chiens sont dans le tournus, contre seulement trois chats. La pratique étant encore très peu connue en Suisse romande.

En passant la porte du vétérinaire, ce jour-là, Glocky ne semble pas stressée plus que cela. Elle se déplace en laisse dans les couloirs, sans broncher. C’est que la labrador de 7 ans et demi est une habituée des lieux. Avec sa propriétaire Sophie Verney, elle vient régulièrement depuis l’année passée. Non pas que la chienne soit malade: si elle est connue de l’équipe de la clinique Medi-Vet de Lausanne, c’est parce qu’elle tient un rôle bien particulier. Elle est ici pour sauver d’autres chiens. L’animal fait partie de la liste de donneurs de sang de l’établissement. Tous les trois mois, sa maîtresse peut être appelée pour l’amener le plus rapidement possible dans ces locaux, et ainsi venir en aide à un autre chien ayant besoin d’être transfusé. «Glocky a déjà donné quatre fois son sang. La toute première fois, c’était impressionnant de voir cette aiguille et la pochette se remplir autant », réagit sa propriétaire.
Ici, les vétérinaires ont déjà procédé à une bonne vingtaine de transfusions. Entre chiens mais aussi entre chats. La procédure, en soi, n’est pas très compliquée, mais demande différentes étapes primordiales. L’animal doit d’abord passer des tests pour s’assurer qu’il est en bonne santé, et surtout qu’il corresponde aux critères: il doit avoir entre 1 et 8 ans, peser plus de 25 kilos pour un chien, 4 kg pour un chat. «Nous faisons un examen ,clinique avant de les intégrer à la liste pour s’assurer qu’ils sont en bonne santé, qu’ils n’ont pas eu de maladies graves et aussi qu’ils sont dociles», explique Vincent Marolf, anesthésiste qui a mis en place ce don de sang dans la clinique. Le but de tout cela ? Réussir à venir en aide à un animal qui subirait une grave anémie, soit une diminution importante de ses globules rouges. Celle-ci peut se produire à la suite d’une maladie, d’un accident ou lorsqu’un organe saigne pendant une opération.

«Nous ne pourrions pas conserver le sang plus de trois semaines.»

Vincent Marolf, vétérinaire et anesthésiste.

 

«C’est sûr, il faut leur faire confiance»

Pour pouvoir être sur cette liste, une fois les tests passés, le propriétaire doit aussi assurer une grande flexibilité. «On ne m’a jamais appelée de nuit, mais, quand il faut venir, il est indispensable d’être disponible, continue celle qui fait la route depuis Orbe lorsque la clinique appelle. J’ai moi-même une maladie auto-immune et je suis sensible à ces questions médicales. Glocky est très docile, alors je me suis dit: « pourquoi pas essayer? » Si elle avait besoin un jour de sang, je serais contente de savoir que cela existe.»
Pas besoin de sédation pour sa labrador, qui se laisse coucher sur la table par le vétérinaire et son assistante sans même bouger la tête. Une fois qu’elle est sur le côté, il faut raser la zone où l’aiguille viendra piquer. C’est sur le cou, au niveau de la veine jugulaire que le prélèvement sera effectué. «C’est sûr qu’il faut leur faire confiance, mais je n’ai aucune crainte», confie Sophie en caressant la tête de son animal pendant l’opération. «Glocky est extrêmement calme, nous n’avons donc pas besoin de la sédater, ce qui n’est pas le cas par exemple des chats, que nous sommes obligés d’endormir, précise Vincent Marolf. C’est aussi pour ça que les maîtres acceptent moins facilement de donner le sang de leur chat.»

DES DONS BÉNÉVOLES

Les propriétaires ne sont pas rémunérés pour donner le sang de leurs animaux, mais cela ne leur coûte rien non plus. L’examen de départ ainsi que le dépistage sanguin leur sont offerts, tout comme un sac de croquettes et un prix sur les traitements contre les parasites internes.

La pochette de sang se remplira ensuite peu à peu, jusqu’à gonfler pour atteindre450 millilitres. Le prélèvement peut durer une bonne quinzaine de minutes, avant d’être directement transmis dans une autre pièce pour le chien qui en aura besoin. «Nous avons ce système de liste justement parce que le sang ne pourrait pas se conserver plus de trois semaines. Nous risquerions de le jeter en trop grande quantité si on essayait de faire des réserves», ajoute l’anesthésiste.existe.» La clinique, qui a ouvert ses portes fin 2017, a décidé de mettre ce système en place parce qu’elle assure une permanence 24 heures sur 24. «Il faut être équipé pour pouvoir faire ces transfusions, notamment avec le dispositif qui permet de vérifier la compatibilité du sang, précise Kevin Diserens, vétérinaire et directeur de Medi-Vet. Toutes les cliniques n’ont pas ces outils, c’était important pour nous de le créer afin d’assurer ce type de soins à tout moment.» La plupart du temps, les cas peuvent être traités grâce à des perfusions, mais, lorsque le problème est plus grave, ce sang peut devenir indispensable à la survie d’un animal. Glocky n’aura sûrement plus qu’un don possible avant de passer la patte à la relève, car elle atteindra l’âge limite à la fin de l’été. «Je l’ai toujours sentie rassurée, c’était une belle manière d’aider d’autres chiens, termine Sophie Verney. Par contre je n’ai jamais eu envie de demander si celui qu’on a aidé s’en est sorti, car je me serais sentie trop triste d’apprendre le contraire.»

Les animaux ont aussi des groupes sanguins

Les chiens et les chats ne possèdent pas les mêmes groupes sanguins. Chez les canidés, un tiers sont négatifs et les autres positifs. Le donneur universel est celui négatif. «Les chiens n’ont pas d’anticorps à la naissance. La toute première transfusion pourrait donc se faire sans problème avec n’importe quel chien, mais nous faisons quand même les tests pour voir qui est compatible», explique Kevin Diserens, vétérinaire et directeur de la clinique Medi-Vet.