TEXTES ET PHOTOS: Samantha Lunder

 

Gilles Braichet Jr. est ramoneur depuis dix ans dans l’entreprise fami- liale à Porrentruy. Il parcourt villes et campagne pour des dépannages et des travaux d’entretien.

Il décrit un métier qui a évolué avec son temps: fini l’image du ramoneur avec son échelle qui
se faufile dans les cheminées, tout s’est modernisé.

Animaux morts ou précieux objets perdus par leurs propriétaires, le Jurassien tombe parfois sur des surprises pendant ses interventions.

 

En poussant la porte de la buanderie, Gilles Braichet Jr. installe de grandes bâches sur le sol. «Cela peut paraître paradoxal pour un ramoneur, mais la propreté est devenue une priorité», sourit-il en arrivant devant une chaudière blanche immaculée. Cet après-midi-là, il rend visite à une famille de Porrentruy (JU) chez qui il vient chaque année pour un contrôle d’usage. Il doit entretenir les différents supports de chauffage: une installation moderne au sous-sol, et un poêle à bois dans le salon. «Le ramoneur cliché qu’on a en tête qui monte sur les toits et qui est plein de suie? C’est fini! lance-t-il. Maintenant, un mécanicien automobile est certainement plus sale que moi.» Car désormais, avec les nouvelles technologies, les chauffages se sont modernisés. Il n’a plus besoin comme autrefois de prendre de la hauteur pour accéder aux conduites de cheminées. Tout peut se faire depuis la cave, avec de bons outils.

Après avoir nettoyé l’intérieur de la chaudière avec un produit, Gilles sort un enrouleur métallique. Au bout, un «hérisson», cette brosse qui lui per- mettra de s’assurer que la conduite n’est pas bouchée. Il ouvre le couvercle pour commencer son contrôle et y pousse la tige pour atteindre l’extrémité de la cheminée. «On pense que le ramoneur se faufile dans les cheminées, mais là j’aurais bien de la peine», rigole-t-il en montrant que le diamètre de celle-ci ne dépasse pas la taille d’une main.

En ressortant la brosse du tuyau, pas de grande surprise cette fois, tout était déjà bien propre. Il rince le tout à l’eau claire: «J’ai déjà, à plusieurs reprises, trouvé des animaux morts, mais nous l’aurions immédiatement senti à l’odeur répugnante, là ce n’est pas le cas.» Il est fréquemment surpris par des oiseaux qui ont été étourdis par les gaz de fumée, ou qui sont malheureusement tombés dans la conduite: «J’ai aussi une fois découvert un chat sans vie… ce n’est pas courant, mais cela peut arriver.»

 

«On entre quand même dans l’intimité des gens»

Mis à part ces découvertes, le ramoneur déniche aussi parfois des trouvailles étonnantes. Comme ce lingot d’or caché proche de la cheminée qu’il était en train de nettoyer, ou ces boîtes à souvenirs que certains mettent à l’abri là où personne ne pourrait les trouver. «On entre quand même dans l’intimité des gens, on garde bien sûr le secret professionnel», continue-t-il. Dans le domaine depuis dix ans, Gilles apprécie particulièrement le contact très diversifié qu’il a avec ses clients. Et pourtant, ce n’était pas le métier qui attirait, au départ, le Jurassien de 26 ans. Il a finalement choisi de suivre la même voie que son père, en 2009, après plusieurs stages dans d’autres domaines: «Quand je voyais mon papa revenir du travail recouvert de suie, cela ne me faisait pas forcément envie. C’est ensuite que j’ai remarqué le rôle social que l’on a!»

«Le facteur, les aides-soignants, ils n’ont plus le temps de papoter. Il ne reste que le ramoneur.»

Gilles Braichet JR, ramoneur

Comme il aime en rire, il faut se préparer à accepter les cafés des clients, et même plusieurs. Rien que ce matin-là, on lui en a offert à quatre reprises. «Je me souviendrai toujours d’une dame d’un certain âge qui m’a beaucoup touché: elle m’a dit, « vous savez, le facteur, les aides-soignants, ils n’ont plus le temps de papoter », il ne reste que le ramoneur.»

«Je ne me verrais plus faire un autre métier»

La famille avec les enfants qui jouent dehors, les personnes qui viennent s’installer à ses côtés pour discuter ou parfois surveiller du coin de l’œil, grâce à son métier, il croise toute la société. «Cela m’apprend beaucoup aussi sur d’autres domaines vu que chacun me parle d’une histoire différente, j’adore ça dans ce milieu.» Lui se voit bien reprendre les affaires de son père lorsqu’il sera retraité, «j’ai réfléchi, et je ne me verrais plus faire un seul autre métier.» Le Jurassien est en train de terminer sa maîtrise fédérale, qui lui permettra d’accéder au titre de maître ramoneur.

Alors qu’il finit à la cave, un second travail l’attend à l’étage, dans le salon de la famille. En ouvrant le tube en métal, Gilles confirme que l’entretien était nécessaire, «vous voyez? c’est là que mon métier prend tout son sens», confirme-t-il en montrant un amas de suie accumulé à l’intérieur.

Ses avant- bras se noircissent au fur et à mesure qu’il aspire le tout. «Ce qui est devenu intéressant, c’est justement le fait d’avoir des installations très différentes les unes des autres.» Malgré l’arrivée de nouveaux systèmes de chauffage toujours plus écologiques, Gilles reste confiant sur l’avenir de son métier: «Avec l’apparition des pompes à chaleur, des panneaux solaires, c’est sûr qu’on n’a pas besoin de nous pour ça, mais les gens reviennent aux basiques, ils choisissent de se chauffer au bois ou de manger local, c’est un retour au temps de nos grands-parents.»