TEXTE: FABIEN FEISSLI
PHOTOS: GEORGES HENZ

 

Passionnée de mode depuis toute petite, Perrine Charmillot a créé le magasin de vêtements d’occasion Délices de Fripes, à Vicques, il y a trois ans.
Ses clients y viennent pour les prix, bien sûr, mais aussi dans l’idée de ne pas toujours acheter du neuf et de retrouver des styles qui ont disparu du commerce.
Même si, grâce au bouche-à-oreille, la trentenaire s’est forgé une clientèle fidèle, elle assure qu’il lui serait difficile de vivre uniquement de sa boutique, car elle tient à garder des tarifs aussi accessibles que possible.

Chez Délices de Fripes à Vicques (JU), tout est de seconde main. Les habits, bien sûr, mais aussi le mobilier, les cintres, les portants et même la boutique elle-même, puisqu’il s’agit de l’ancienne laiterie du village. «Quand on se lance, on est obligé de faire avec de la récup’. J’ai toujours été passionnée par la mode, mais c’était compliqué d’ouvrir un magasin avec du neuf», raconte Perrine Charmillot, créatrice du lieu. Ancienne sommelière, la trentenaire a ouvert son magasin d’occasion, en mai 2017, après la naissance de sa fille. «C’est un dépôt-vente, les gens qui m’apportent des habits encaissent 40% du prix sur chaque pièce», détaille-t-elle en se baladant entre les rayons. Mais, ici, pas de quoi s’enrichir: des bagues à cinq francs, des boucles d’oreilles à sept, des bodies pour bébé à deux, des chaussures de foot à douze, des sacs à main à 20 et des manteaux à 25. «Les gens cherchent surtout à ce que ce soit réutilisé, ils ne veulent pas que cela parte à la poubelle. Et, s’ils gagnent un petit sou, ils s’en servent souvent pour acheter autre chose, c’est un peu l’esprit du troc.»
La Jurassienne garde les vêtements qu’on lui dépose 18 mois en vente. Si l’habit ne trouve pas preneur, son propriétaire peut venir le rechercher ou alors la jeune femme en fait don à une association. «Des fois, je suis quand même un peu choquée de la quantité que l’on m’amène, il y a de la surconsommation. Peut-être que les modes changent trop vite?» Pour autant, pas question, pour elle, d’accepter tout et n’importe quoi. «Moi, je fais un bon tri, je fais attention qu’il n’y ait pas de trous, pas de taches et que ce soit encore actuel», détaille-t-elle. Perrine assure, toutefois, qu’elle ne refuse jamais un habit pour des questions de goût personnel. «Parfois, cela ne me plaît pas, mais cela peut plaire à quelqu’un d’autre.» Ce qui n’empêche pas la propriétaire des lieux de laisser parler sa passion pour la mode: sur les trois mannequins qui trônent devant sa boutique, mais aussi sur ses clientes, pour la plupart des femmes. «Certaines cherchent des conseils. Moi, j’adore relooker les gens», rigole-t-elle.

«Quand je vois un magasin de seconde main, je vais toujours regarder. Il y a souvent des choses originales.»

jacqueline, Cliente chez délices de fripes

«Des pièces rares»

Car, pour elle, les vêtements d’occasion n’empêchent en rien d’être à la mode. «Ce n’est pas une question d’argent, c’est une question de goût. Il suffit de savoir associer les bons produits», affirme la Jurassienne en accueillant ses deux premiers clients de l’après-midi. Jacqueline est là par curiosité. «Quand je vois un magasin de seconde main, je vais toujours regarder. Il y a souvent des choses originales. C’est beaucoup moins démodé que ce qu’on pense», pointe la septuagénaire. Un peu plus loin, Philippe, venu depuis Moutier (BE), abonde. «Des fois, on trouve des styles d’habits qui ne sont plus vendus dans les magasins», souligne le quinquagénaire, à la recherche d’une veste d’hiver. Perrine va dans le même sens: «C’est vrai qu’il y a des coupes, par exemple pour les jeans, qui n’existent plus dans le commerce. On peut aussi trouver des pièces rares.»
Mais, pour dénicher les bonnes affaires, encore faut-il prendre le temps de les chercher. «Ici, c’est sûr qu’il faut avoir envie de fouiller, sinon vous passez à côté de certaines choses. Le gros souci, aujourd’hui, c’est qu’on veut que tout soit devant nous», regrette-t-elle. Car, si les vêtements d’occasion sont très prisés chez les enfants, chez les adultes, c’est plus compliqué. «Les Suisses ont encore du mal avec le seconde main. C’est un peu tabou parce qu’ils ont dans l’idée que c’est réservé à ceux qui n’ont pas beaucoup d’argent», observe la trentenaire. Elle constate, toutefois, que les choses se développent. «L’image est en train de changer, les gens cherchent de plus en plus des magasins de ce genre. Une fois, j’ai une cliente qui est venue depuis Bienne», raconte Perrine.
Car, grâce au bouche-à-oreille et aux réseaux sociaux, sa boutique – ouverte trois après-midi par semaine – jouit désormais d’une jolie réputation. «Il m’a fallu un peu de temps pour me faire connaître, mais maintenant ça marche bien», confie-t-elle. Pour autant, la trentenaire n’en tire pas de véritable salaire. «Le bon marché, c’est diffcile d’en vivre. Mon but, c’est de rester accessible à tout le monde, donc je ne peux pas mettre des prix trop élevés.» Sa véritable motivation va bien au-delà de l’aspect pécuniaire: «J’aime voir les gens, discuter, rigoler. J’ai besoin de ça. Et c’est moi qui ai imaginé toute ma boutique. Donc, quand je reçois des compliments, c’est la plus belle des récompenses.»