TEXTES: SAMANTHA LUNDER
PHOTOS: SEBASTIEN MORY

Que cela soit en raison d’un décès, d’un départ en maison de retraite ou d’un abandon, l’Oasis des vétérans, de Vaulruz, recueille les canidés âgés et handicapés pour leur permettre de retrouver une famille d’adoption ou pour y finir leur vie.
Dans cette grande propriété entourée de parcs et d’enclos, 60 chiens et une dizaine de chats vivent ensemble.
Onze personnes s’y activent, chaque jour, pour les nourrir, les cajoler et surtout leur offrir un cadre de vie agréable.

 

A quelques mètres du grillage qui entoure la maison, les aboiements se font déjà entendre. Un, deux puis toute une dizaine de chiens courent dans tous les sens. Les plus curieux s’approchent, les pattes collées au portail. «Ici, on est chez eux», sourit Serge Baumann, gardien d’animaux, en demandant à deux des locataires à quatre pattes de bien vouloir se déplacer pour qu’il puisse ouvrir la première des deux grilles servant à éviter qu’ils ne s’échappent. Car dans ce grand espace protégé, au beau milieu des champs, à Vaulruz (FR), vivent chaque jour une soixantaine d’animaux, majoritairement des chiens, mais aussi quelques chats. Ils sont de toutes les races, tailles ou couleurs mais ont une particularité commune: tous ont un âge déjà avancé. C’est le but de l’Oasis des vétérans: accueillir uniquement des animaux vieillissants, dont les propriétaires n’ont plus la capacité de s’occuper. «Ils viennent ici suite à un décès ou à un départ en maison de retraite par exemple, explique Michaël Pacella, qui s’occupe de l’administration du centre. En général, ils ont au minimum 8 ans.» Il y a aussi ceux abandonnés, amenés par ceux qui, malheureusement, n’en veulent plus. Mais également des chiens qui viennent en pension lorsque leurs maîtres partent en vacances. Ils sont dans la maison avec les autres ou, selon leur sociabilité, dans des boxes séparés, avec leur propre espace extérieur.
Pour gérer tout cela, une équipe de onze personnes se relaie et assure une présence 24 heures sur 24 sur place. Elles doit cohabiter aux côtés de ces chiens qui se promènent librement et qui s’adonnent à leur activité préférée: aboyer et, si possible, en même temps. À l’arrière, sept grands enclos extérieurs accueillent de plus gros chiens, qui vivent, eux, séparés des autres. Une précaution prise par rapport à leur comportement agressif.

«Leur offrir une mort en toute dignité»

Toutes les bêtes accueillies cherchent une nouvelle famille. La plupart arrivent à repartir, mais certaines vont malheureusement décéder ici. «Avec les chiens âgés, cela peut vite mal tourner. Cela fait partie de nos objectifs de leur offrir une mort en toute dignité», confie Serge, qui s’occupe d’eux depuis deux ans. C’est avant tout l’amour pour ces compagnons à quatre pattes qui lui a fait choisir ce métier. «C’est sûr qu’il faut essayer de relativiser pour ne pas craquer face à certaines situations.» Comme ce chien, dont il se souvient bien, qu’ils ont été contraints d’euthanasier cinq jours seulement après son arrivée. Certains sont malades, d’autres simplement affaiblis par le temps.

«Bien sûr, certains abandons sont plus que justifiés, mais d’autres beaucoup moins malheureusement.»

Michaël Pacella, Administrateur du centre

Malgré l’âge de ces chiens, il confirme que l’intérêt des familles est encore bien présent. Beaucoup n’hésitent pas à venir adopter, surtout que l’Oasis donne sans rien demander en retour. «L’autre jour, l’un d’entre eux est parti à 15 ans, ajoute-t-il. Il y a de belles adoptions, comme cet autre chien qui n’est resté que 20 minutes ici avant que quelqu’un qui venait à l’improviste ne le prenne.» Le Fribourgeois se saisit d’une brosse pour s’occuper du pelage de Capucine, sous les yeux d’Arabelle, une jack russell de 17 ans. «Arabelle, c’est sans doute la plus vieille. Avant nous avions Floppy, notre mascotte, qui est décédé il y a deux ans, à 23 ans», explique Michaël. Tout autour d’eux dans la pièce, une bonne quinzaine d’autres canidés sont à l’affût du moindre mouvement en cuisine. Sur les chaises, dans leurs paniers ou tout autour de la table, il n’y a pas un coin inoccupé. Même dans le bureau où travaillent d’autres membres de l’équipe sur leurs ordinateurs, un chihuahua est de garde. «C’est cette vie en meute que j’apprécie particulièrement et qu’on ne trouve nulle part ailleurs», réagit Serge, désormais habitué à se déplacer en évitant les chiens postés sur son chemin.
Et, si certains ont la chance de pouvoir retrouver un cocon rapidement, d’autres sont ici depuis bien des années. Comme deux chiens qui sont arrivés il y a onze ans. À chaque personne qui se présente pour adopter un compagnon, les gardiens veillent à lui en confier un en fonction du vécu de ce dernier. «S’il avait un grand jardin, nous n’allons pas le donner en appartement. Ce sont des choses auxquelles nous sommes très attentifs», précise le gardien. Surtout que plusieurs de ces chiens peuvent avoir des comportements particuliers, dus à leur passé parfois difficile (battus, abandonnés).

Un endroit qui fonctionne grâce aux dons

Aujourd’hui, le centre tourne grâce aux dons de particuliers et aux différents produits qu’il commercialise: un magazine, des calendriers ou encore des bandes dessinées. Des bénévoles viennent aussi régulièrement pour promener les chiens à l’extérieur. Une nécessité pour que cette association à but non lucratif puisse continuer d’exister. Elle a été fondée, il y a 16 ans, par une Vaudoise afin que ces chiens ne meurent pas seuls. Chaque année, elle accueille 150 nouveaux arrivants. «Bien sûr, certains abandons sont plus que justifiés, mais d’autres beaucoup moins malheureusement, déplore Michaël. Mais nous acceptons tous les chiens du moment qu’ils sont âgés.»
Lorsque l’Oasis des vétérans est au complet, l’équipe fait de son mieux pour trouver des solutions en passant directement par des demandes sur les réseaux sociaux. Car le but reste que l’animal puisse avant tout retrouver une famille où il pourra terminer sa vie.