TEXTES: SAMANTHA LUNDER
PHOTOS: ISABELLE FAVRE

Une fois par semaine, Isabelle Tissières accueille, dans une petite salle de Martigny, un groupe de personnes pour les faire rire.
Pas de spectacle d’humour ou de blagues, ici, tout le monde vient pour se détendre et partager un élan de gaieté.
Appelée yoga du rire, cette session particulière se fait sans jugement. Le but étant d’en tirer des bienfaits similaires à une séance de sport.

 

«De l’extérieur, on doit avoir l’air de fous», lance une participante, avant de partir dans un grand éclat de rire. La quinzaine de personnes présentes dans la salle ne tardent pas à faire de même. Difficile de ne pas suivre le mouvement lorsque le silence se brise pour laisser place à un joyeux brouhaha. Sur les visages, le sourire est parfois forcé. Mais peu importe, «le cerveau ne fait pas la différence, même si le rire n’est pas naturel, le bénéfice sera le même», les rassure Isabelle Tissières, animatrice de cette session de yoga du rire à Martigny (VS). Depuis six ans, elle retrouve le groupe tous les lundis soir dans cette salle du centre-ville. Le but: rigoler. De quelque manière que ce soit. Mais toujours avec beaucoup de respect. Car, dans cette séance d’une heure, on ne va pas se moquer ou écouter des blagues. Il faut simplement se laisser aller pour finir la soirée avec des zygomatiques endoloris.
Le rire vient avec des exercices basiques, donnés par Isabelle. Le groupe commence par taper dans ses mains en s’adressant un bonjour cordial. Des échanges remplis de vie et d’expressions émerveillées, alors que plusieurs ne se connaissent pas: il y a les habitués, mais aussi ceux qui viennent s’y essayer pour la première fois. À l’instar de Marc Dubosson, 28 ans: «J’étais un peu gêné au début, je pensais qu’il y aurait des gags.» Une bande de copains, un peu comme dans une cour d’école, pourraient décrire certains: la séance se fait en jonglant entre des jeux très enfantins et des instants de respirations profondes. «On prend un verre imaginaire entre ses mains et on le remplit de pensées heureuses. Maintenant, santé!» lance Isabelle, en faisant mine de boire ce gobelet, imitée par les autres. Ensuite, il y a la «pompe du rire», qui consiste à inspirer très fort pour expirer en riant et en relâchant son corps, ou le jeu des chaises musicales, où, une fois assis, on rigole. «On réveille l’enfant qui est en nous, continue l’animatrice, cela a vraiment des bénéfices sur notre quotidien.»

«Le cerveau ne fait pas la différence, même si le rire n’est pas naturel, le bénéfice sera le même.»

Isabelle Tissières, Animatrice des séances de yoga du rire

Quinze minutes au minimum

Elle décrit une diminution du stress, l’augmentation des endorphines et une meilleure oxygénation du corps. «Selon certaines recherches, le rire est une vraie thérapie qui peut diminuer les douleurs. Du moment qu’on rigole plus de quinze minutes d’affilée, on commence à en ressentir les bienfaits.» Reste que se lancer dans un tel cours demande un peu de courage, cette pratique étant encore peu connue en Suisse romande. «Je comprends que cela puisse effrayer, c’est peut-être une peur d’être jugé?» s’interroge Rafaël Rausis, 55 ans, fiduciaire de Martigny. Mais, au contraire, cela nous apporte une plus grande bienveillance envers les autres.» Amener un instant de joie de vivre, à reproduire par la suite dans des gestes de tous les jours. Comme se brosser les dents en riant. Les participants assurent avoir essayé, tous n’ont pourtant pas persévéré. «L’enfant peut rire jusqu’à 400 fois par jour, alors que l’adulte seulement une vingtaine de fois. On se met des sortes de protections», déplore Isabelle. Après 45 minutes de bonheur, la salle rigole beaucoup plus naturellement qu’au début. Tout le monde se couche sur le dos et revient sur la terre ferme avec quelques minutes de méditation, histoire de bien dormir. Là encore, certains peinent à retenir des gloussements, emportés par les rires retenus de leurs voisins. Car, au final, quand on se marre bien, on ne s’arrête plus.