TEXTES: FABIEN FEISSLI
PHOTOS: DANIEL HAURI

Un quart de la population suisse ne bouge pas au moins deux heures et demie par semaine et est donc insuffisamment active en regard des recommandations de santé publique.
Chef de projet au sein du centre Unisanté, Jérôme Spring gère différents programmes afin d’aider les personnes sédentaires à se remettre en mouvement.
Au-delà de la motivation individuelle, le trentenaire plaide en faveur d’une meilleure organisation de notre environnement afin d’inciter le grand public à se montrer plus actif au quotidien.

Spécialiste en activité physique adaptée, Jérôme Spring est chef de projet au sein du Centre universitaire de médecine générale et santé publique Unisanté. Notamment responsable du programme Pas à pas, qui cherche à remettre en mouvement les personnes sédentaires, le trentenaire nous a reçus dans son bureau, à Lausanne.

À quoi ressemble l’activité physique des Suisses?
On estime que 25% de la population est insuffisamment active et ne remplit pas les recommandations en termes d’activité physique. Ce qui est conseillé, c’est de faire deux heures et demie d’activité modérée – c’est-à-dire avec un léger essoufflement et la fréquence cardiaque qui accélère sensiblement – par semaine. Cela peut être marcher d’un bon pas, se déplacer à vélo ou faire du jardinage. L’autre possibilité, c’est de faire une heure et quart par semaine d’activité plus intense qui fait transpirer, comme de la course à pied, de l’aérobic ou des jeux collectifs. Là, on s’approche davantage du sport.

Parce que sport et activité physique, ce n’est pas la même chose?
Non, et c’est une distinction qui n’est malheureusement pas assez connue du grand public. Un sport est une forme d’activité physique, mais c’est quelque chose qui est codifié, qui inclut souvent une notion de performance et de dépassement de soi. Cela peut parfois faire peur. D’ailleurs, les personnes réfractaires associent souvent cela à de mauvais souvenirs d’enfance. Mais l’activité physique englobe tous les mouvements effectués dans une journée et qui engendrent des dépenses énergétiques plus élevées que celles au repos: cela peut être simplement d’aller se balader à l’extérieur. Le message que l’on veut faire passer, c’est qu’il faut saisir chaque occasion de bouger. Prendre, une fois de temps en temps, les escaliers, c’est toujours mieux que rien et des bénéfices s’observent très rapidement, en particulier chez les personnes très peu actives.

Qu’est-ce que cela nous apporte?
Tout d’abord, il y a le bien-être procuré par la pratique, l’estime de soi et le plaisir de participer en groupe. D’un point de vue médical, le risque de mortalité prématurée est réduit. L’activité physique diminue aussi l’apparition de maladies chroniques qui touchent une partie toujours plus importante de la population comme le cancer, les maladies cardiovasculaires ou la dépression.

«L’activité physique diminue l’apparition de maladies chroniques comme le cancer, les maladies cardiovasculaires ou la dépression.»

Jérôme Spring, chef de projet au sein d’Unisanté

Sachant cela, comment expliquer que vous ne soyez pas davantage entendu par les 25% de la population insuffisamment actifs?
Il faudrait que vous posiez la question aux personnes concernées. L’argument principal que l’on entend, c’est le manque de temps et aussi le manque d’envie. Après, c’est comme pour le tabac, la connaissance d’un risque ne suffit pas. Il n’y a pas que des facteurs individuels qui comptent, il faut replacer chaque individu dans le contexte dans lequel il vit.

Quels conseils est-ce que vous pourriez donner?
Normalement, nous essayons plutôt d’être dans un accompagnement personnalisé, d’investiguer avec chaque personne afin d’identifier quelles sont les barrières, les difficultés ainsi que les opportunités de changement. Mais, de manière générale, l’important, c’est de diminuer le temps de sédentarité. Les conseils de base, cela peut donc être d’éviter les ascenseurs ou les escalators pour prendre les escaliers, de se déplacer, autant que possible, à pied ou à vélo et de passer un maximum de temps dehors et de limiter le temps passé devant les écrans. On peut également recommander de trouver une activité physique qui procure du plaisir afin de mobiliser une motivation intrinsèque plutôt que de chercher un résultat comme une perte de poids.

De manière générale, comment est-ce que la situation a évolué en Suisse ces dernières années?
On va un petit peu vers le mieux, mais on observe une baisse de la condition physique chez les jeunes. Plusieurs hypothèses sont avancées: notamment les écrans, les déplacements en voiture et le fait que les parents ont parfois peur de laisser leur enfant aller jouer dehors, car ils perçoivent l’environnement comme moins sûr qu’avant. Par ailleurs, l’adolescence est souvent un âge où on se désengage de la pratique qui a été mise en place. C’est pourtant un enjeu majeur parce que l’on sait que les habitudes de vie des premières années – on dit même dès la grossesse – sont très importantes pour inciter à maintenir une activité physique dans le temps.

Quelles sont les solutions?
Ce n’est pas seulement une question de responsabilité individuelle. Il y a également tout un contexte, cela passe par une meilleure organisation de notre environnement: créer des zones piétonnes, des espaces verts qui donnent envie de sortir, des pistes cyclables où l’on se sent en sécurité. Au niveau professionnel, on peut offrir un vestiaire et une douche pour les gens qui viennent à vélo ou qui souhaitent faire une activité à midi. Dans les bâtiments, on peut aussi favoriser l’accès aux escaliers en les mettant devant l’entrée, bien éclairés. Il faut également améliorer l’accessibilité géographique et financière des infrastructures. Des abonnements annuels de fitness à 1500 francs, cela fait cher pour beaucoup de monde. Certaines assurances maladie complémentaires les remboursent parfois en partie, mais elles devraient s’engager davantage en soutenant des programmes de prévention. Aujourd’hui, on sait que l’activité physique est une thérapie non médicamenteuse efficace pour beaucoup de maladies chroniques. L’enjeu principal, c’est de ne pas attendre qu’une personne soit malade pour lui prescrire de bouger, il faut que cela se fasse en amont, pour prévenir.

Programme vaudois de soutien à la reprise d’une activité physique: pas-a-pas.ch