TEXTES: FABIEN FEISSLI
PHOTOS: ISABELLE FAVRE

Masseur en entreprise, depuis huit ans, Pascal Rey propose aux employés de bénéficier d’un petit quart d’heure de relaxation durant leur journée de travail.
Le spécialiste souhaite faire réfléchir les patrons à la nécessité de prendre soin de leur personnel. Une démarche préventive qui s’avère gagnante des deux côtés, selon lui.
Ce matin-là, c’est à Granges que Pascal avait posé sa chaise. Au milieu d’un repaire de motards accueillant également un bistrot et une boîte d’informatique.

 

La journée de travail des employés de Stéphane Berclaz, à Granges (VS), s’annonce particulière. Celui qui gère une entreprise d’informatique, la concession moto de la marque Indian, un atelier de customisation et le café Fak You a réservé un petit cadeau à six de ses dix collaborateurs. À tour de rôle, chacun pourra bénéficier d’une quinzaine de minutes entre les mains de Pascal Rey, masseur professionnel. «C’est une première. On leur offre ce service sur leur temps de travail, je pense que cela permet d’anticiper certains soucis», souligne le patron. Car si le Valaisan assure qu’il tient à offrir une bonne ambiance de travail à ses collaborateurs, il reconnaît également que cela n’est pas totalement désintéressé: «Si les gens sont sereins, ils vont être aussi plus productifs. C’est mieux pour nous si on peut limiter l’absentéisme.»
Sa fille, Anastasia Berclaz, responsable marketing des lieux, est la première à quitter son poste de travail à l’étage pour venir se détendre. Avant de commencer, Pascal Rey interroge la trentenaire sur son état de santé général. «Nous ne sommes pas médecins, donc on ne va pas toucher certaines zones si la personne a mal à cet endroit», précise-t-il. Tandis qu’Anastasia s’installe sur la chaise, posée au milieu du bar, le quadragénaire détaille les bienfaits de l’amma, le type de massage qu’il pratique. «L’avantage, c’est que cela se fait à travers les habits, donc il n’y a aucune ambiguïté. Je pars sur dix minutes de relaxation, où la personne va pouvoir se détendre, puis cinq minutes d’énergisation», décrit celui qui officie en entreprise depuis 2011.

«Si les gens sont sereins, ils vont être aussi plus productifs. C’est mieux pour nous si on peut limiter l’absentéisme.»

Stéphane Berclaz, patron de plusieurs entreprises

«Je me sens dynamique»

Le massage n’est pourtant pas sa profession. Pascal Rey est informaticien à 100% et doit s’arranger avec son employeur pour se libérer. «C’est vraiment une passion pour moi. C’est une soupape qui me permet de sortir de mon travail. J’apprécie cet échange avec les gens. On donne, c’est sûr, mais on reçoit aussi leur sourire, leur reconnaissance.» Et ce n’est pas Anastasia qui dira le contraire. «C’est vraiment agréable, là je me sens bien, dynamique pour le reste de la journée», assure-t-elle, alors que sa maman, Isabelle Berclaz, assistante de direction de l’entreprise, s’installe à son tour sur la chaise. La trentenaire raconte avoir également pu profiter des conseils de Pascal concernant une douleur à la nuque. «C’est pratique parce que je ne prends jamais le temps de prendre rendez-vous pour y aller en sortant du boulot.»
Au moment de terminer son massage, Isabelle est, elle aussi, conquise. «J’étais un peu sceptique, au départ, parce que j’ai de la peine à me relâcher. Mais là, cela m’a fait du bien, c’est une jolie parenthèse dans la journée.» Elle assure, d’ailleurs, être prête à répéter l’expérience très vite. «C’est là que je suis dans la merde», rigole Stéphane. Profitant de quelques minutes de répit, Pascal sourit: «Mon objectif, c’est de faire changer d’état d’esprit les entreprises et d’inciter les patrons à prendre davantage soin de leurs employés», indique le spécialiste. À ses yeux, sa démarche est avant tout préventive: «Au travail, les gens sont trop souvent dans la même position. Donc c’est mieux de prendre soin de la personne avant qu’elle ne soit malade.»
Au-delà de son offre de massage, Pascal assure que ce type de services, orienté vers le bien-être des travailleurs, est bénéfique pour tout le monde. «Pour le collaborateur, c’est aussi une vraie source de motivation.» Après s’être occupé des deux développeurs de l’entreprise d’informatique de Stéphane, le masseur s’accorde une petite pause. «C’est quand même exigeant physiquement, donc cela fait du bien de souffler un peu. Ce qui est intéressant, c’est que plus on en fait à la suite, moins on souffre. Mais j’essaie de me limiter à 20 ou 25 massages par jour parce qu’après je ressens une vraie fatigue et je ne peux plus donner autant», décrit-il.
Pour aujourd’hui, le Valaisan se contentera de six sujets. Justement, sa chaise sous le bras, il rejoint l’atelier de customisation, où l’attendent ses deux derniers patients de la matinée. Dany Marks est le premier mécanicien à lâcher ses outils. Affairé, près d’une moto, son compère, Christian Giudice, le regarde s’asseoir sur la chaise de Pascal. «C’est quand même un peu bizarre de se faire masser sur son temps de travail», rigole-t-il. Dany, lui, est directement convaincu: «Il n’y a pas beaucoup de patrons qui viennent te dire: « On va prendre soin de toi aujourd’hui, c’est pour le bien-être de l’entreprise! »»