TEXTES: FABIEN FEISSLI
PHOTOS: MICHEL PERRET

 

Pilote de drone depuis cinq ans, Gabriel Kocher est l’une des stars de la Drone racing league, le championnat du monde de cette discipline spectaculaire et en plein essor.
Le trentenaire nous a emmenés à Trélex, dans la forêt où il s’entraîne à zigzaguer entre les arbres à plus de 100 km/h. Toujours sur le podium ces dernières années, Gabriel espère enfin décrocher le titre en 2020.
Celui qui possède un doctorat en physique utilise également ses talents de pilote pour faire de la photographie aérienne et pour participer à des documentaires animaliers à travers le monde.

Serrant son matériel contre lui, Gabriel Kocher s’élance et bondit par-dessus la petite rivière qui serpente dans la forêt de Trélex (VD). Il se réceptionne en souplesse sur le sol boueux, faisant à peine bouger les deux drones accrochés à son sac à dos. Après avoir longé plusieurs étangs formés par la pluie, le trentenaire grimpe une petite colline et contemple les arbres autour de lui. Au milieu des branchages et des feuilles mortes, le pilote de drone visualise un circuit. «Là, il y a une ligne droite; ici, un virage en épingle», assure-t-il en pointant différents endroits. Car, si Gab707, son surnom, vient se perdre ainsi au fond des bois, ce n’est pas seulement par amour de l’air pur. Celui qui est l’une des stars de la Drone racing league (DRL), le championnat du monde de courses de drones, est ici sur son terrain d’entraînement. «Je recherche des éléments que je vais retrouver en compétition. Dans les stades, on a de grands obstacles, qui font 20 ou 30 mètres de haut. C’est difficile à reproduire ailleurs, alors qu’en forêt ils sont présents naturellement.» Durant la saison, qui débute au printemps et regroupe une demi-douzaine d’épreuves, le pilote consacre quatre ou cinq heures par jour à s’entraîner.
Tout juste couronné vice-champion du monde, le Vaudois, qui vit aujourd’hui à Vancouver au Canada, participe à la DRL depuis sa toute première édition, en 2016. «C’était diffusé sur ESPN (réd: chaîne TV sportive américaine) aux États-Unis et maintenant c’est sur NBC (réd: groupe audiovisuel nord-américain). Ça se développe de plus en plus. Il y a vraiment eu des changements importants, notamment en termes de qualité du pilotage. On progresse énormément chaque année», explique Gabriel en s’agenouillant à côté de son sac pour attraper son drone, un modèle spécialement conçu pour les courses de la DRL. Valant environ 600 francs, le Racer4 pèse un kilo et peut voler à plus de 150 km/h.
Particularité de la compétition, tous les concurrents s’élancent avec exactement le même appareil. «Il n’y a donc que le pilotage qui compte. Cela surprend au départ. Quand tu perds, tu n’as aucune excuse, c’est uniquement ta faute», souligne-t-il tout en enfilant les lunettes immersives qui lui permettent de visualiser les images de la caméra située à l’avant du drone.

«Il n’y a que le pilotage qui compte. Quand tu perds, tu n’as aucune excuse, c’est uniquement ta faute.»

Gabriel Kocher, Vice-champion du monde de course de drones

«La forêt, ça ne pardonne pas»

Immobile au milieu de la forêt, télécommande en main, le Vaudois est prêt pour un premier tour de piste. Tandis que les LED colorées s’illuminent sur le dessus de l’appareil, les quatre hélices vrombissent et l’aéronef s’élève dans les airs. Virevoltant d’un côté à l’autre du bois, le drone prend de la vitesse, zigzaguant avec précision entre les arbres. Un clac sonore retentit à chaque fois que l’engin frôle une branche. «La forêt, ça ne pardonne pas. Il faut être à 100% concentré parce qu’il y a beaucoup d’obstacles sur le parcours», indique Gabriel, après avoir ramené son appareil au sol. Il est pourtant le seul à s’entraîner ainsi, ses concurrents préférant les terrains de modélisme ou les simulateurs. Et si lui assure qu’il ne s’agissait que d’un échauffement, la démonstration n’en reste pas moins impressionnante de maîtrise. Peu de pilotes sont capables de réaliser de telles prouesses dans le monde. Des talents qui ont permis au trentenaire de se spécialiser dans la photographie aérienne et le documentaire animalier en milieu dense, participant à une dizaine de tournages à travers le monde en 2019.
À 31 ans, le Vaudois, qui a aussi fini sur le podium mondial en 2017 et en 2018, fait désormais partie des pilotes les plus expérimentés de la DRL et voit arriver de nouveaux concurrents, de plus en plus jeunes. «Je suis impressionné par leur rage de gagner et le temps qu’ils consacrent à s’entraîner. Pour certains, le but, c’est de venir botter le train à ce Gab707 qu’ils voient à la télé», rigole-t-il. Également titulaire d’un doctorat en physique, Gabriel confie ses hésitations sur la suite à donner à sa carrière. «Soit je mets les bouchées doubles pour gagner ce foutu championnat du monde, soit je me consacre au reste», lâche-t-il. Car le titre lui a souvent échappé de justesse, parfois même au dernier virage. «On a énormément de pression, tout se joue sur une minute de course. Une fraction de seconde peut tout changer», affirme-t-il. Lui n’hésite d’ailleurs pas à parler de sport. «C’est très mental, mais c’est un effort extrême sur une période très courte. À la fin de la journée, on est crevé.» Face à ce défi, chaque pilote a sa technique. Si certains laissent parler leurs émotions, Gabriel, lui, préfère les mettre de côté: «Je suis le seul à être aussi rationnel, je fais un cycle de méditation avant chaque course pour me concentrer au maximum.» Une pratique qui le fait réfléchir afin de décrocher enfin la couronne mondiale. «Je suis le plus constant, mais je n’ai jamais été champion. Est-ce qu’il ne me manque pas ce petit coup de folie?»