TEXTES: FABIEN FEISSLI
PHOTOS: SEDRIK NEMETH

Responsable des emballages chez Aproz, Yannick De Giorgi cherche, au quotidien,
des solutions pour optimiser les bouteilles en PET et ainsi diminuer leur impact sur l’environnement.
Au fil des années, le poids des flacons a été réduit gramme après gramme. Aujourd’hui, l’ingénieur se concentre sur un nouvel objectif: utiliser un maximum de matériaux recyclés.
Si Yannick De Giorgi et son collègue, Julien Dubois, reconnaissent sans peine le problème de la pollution liée aux plastiques, les deux Valaisans regrettent que le grand public n’ait pas conscience des qualités du PET.

Quatre millimètres, cela paraît infime. Pourtant, quatre millimètres en moins sur le pas de vis de ses bouteilles, c’est ce qui permet à l’entreprise d’eau minérale Aproz d’économiser plus de 250 tonnes de PET, chaque année, depuis 2012. Des solutions de ce genre, Yannick De Giorgi, responsable des emballages et du développement durable au sein de la société valaisanne, en a un certain nombre en stock. Mais impossible de voir les prototypes, c’est secret-défense. Dans tous les cas, selon l’ingénieur en matériaux, il n’y a pas de petite amélioration. «Un ou deux grammes en moins, sur le nombre de bouteilles, c’est tout de suite énorme», assure le trentenaire. En effet, rien qu’en 2018, Aproz a produit plus de 150 millions de flacons en PET. «C’est notre intérêt à tous de diminuer la quantité de plastique utilisé. En réduisant le poids d’une bouteille, on gagne sur toute la ligne, écologiquement et économiquement», appuie son collègue Julien Dubois, assistant de direction. Ainsi, entre 2001 et 2019, les contenants de l’entreprise, propriété de Migros, ont perdu, selon les références, entre 20 et 35% de leur poids. Le format 5 dl pesant, aujourd’hui, 16 grammes.

«Un ou deux grammes en moins, sur le nombre
de bouteilles, c’est tout de suite énorme.»

yANNICK dE GIORGI, RESPONSABLE DES EMBALLAGES ET DU DéVELOPPEMENT DURABLE chez Aproz

Pour atteindre cet objectif, les équipes d’Aproz se sont focalisées sur plusieurs axes. «On peut jouer sur l’épaisseur, mais on atteint vite les limites. Donc ensuite il nous a fallu travailler sur la forme. Une astuce que l’on a mise en place, c’est d’offrir une bague de préhension qui amène le client à mettre la main là où la résistance est la meilleure», décrit Yannick en pointant la taille resserrée d’une bouteille posée devant lui. Mais l’ingénieur doit respecter un certain nombre de contraintes. Il y a, tout d’abord, les aspects physiques. «Chez Aproz, nous produisons majoritairement des boissons gazeuses. Sous la pression du CO₂, la bouteille va se déformer pour tendre vers le rond, comme si elle se gonflait», détaille-t-il. Une paroi de PET ou un bouchon4 4trop fins pourraient donc se fissurer. «Les spirales que l’on voit de plus en plus sur les emballages, à la base, ce n’est pas pour faire joli. C’est pour créer des zones de résistance», précise Yannick..

 

12 MOIS
En moyenne, il faut un an de travail à l’équipe de Yannick De Giorgi (ci-dessus) pour repenser toutes les bouteilles d’une gamme.

 

La logistique est un autre élément à ne pas négliger pour le Valaisan. «Par exemple, la solidité d’une bouteille a une influence sur le nombre que l’on va pouvoir en empiler sur une palette. Parfois, cela vaut la peine d’utiliser un peu plus de matière pour pouvoir en transporter davantage à la fois, et ainsi limiter les trajets», explique-t-il. L’ingénieur souligne l’importance de prendre en compte toute la chaîne. «Des fois, ce qui semble être une économie de plastique quelque part déclenche des consommations ailleurs. C’est pour cela que chaque emballage que l’on développe est testé du soufflage de la bouteille à la livraison», assure le spécialiste, précisant qu’il travaille également à la réduction des emballages et au recyclage de ceux-ci. L’autre élément auquel Yannick doit faire particulièrement attention, c’est l’avis du public. «Plus vous diminuez la taille du bouchon, plus il sera difficile, pour le client, d’ouvrir la bouteille parce que vous réduisez la surface d’accroche pour ses doigts.» Et le responsable le reconnaît sans peine, les Suisses sont très exigeants. «Si on baisse trop l’épaisseur du plastique, on a tout de suite des réclamations. On a une tradition de qualité dans notre pays. Les gens ont donc un seuil d’exigence plus élevé qu’ailleurs», confirme Julien Dubois. Un seuil que l’entreprise semble avoir atteint depuis deux ou trois ans. «Il y a toujours des points sur lesquels nous travaillons, mais on avance par étapes. On laisse le temps au consommateur de s’habituer à la résistance actuelle avant de procéder à une nouvelle optimisation», poursuit l’assistant de direction.

«Des fois, ce qui semble être une économie de plastique
quelque part déclenche des consommations ailleurs.»

YANNICK DE GIORGI, responsable des emballages et du développement durable chez Aproz

En attendant, les équipes d’Aproz se concentrent donc sur un autre point, recourir à un maximum de PET recyclé. «Depuis une quinzaine d’années, nous en avions au moins un tiers dans nos bouteilles. Aujourd’hui, nous en utilisons plus de 50%», indique-t-il. Début 2019, l’entreprise a même commercialisé sa première bouteille 100% recyclée pour ses sirops. Une stratégie qu’elle souhaiterait étendre à l’ensemble de ses gammes d’ici à 2025. Un défi qui va demander à l’ingénieur de surmonter de nouvelles contraintes: «La qualité du PET recyclé est très élevée en Suisse, mais il n’a pas exactement la même couleur ni les mêmes propriétés de résistance que le vierge.» Autre difficulté, malgré un taux record de 83% de retour, la matière pourrait parfois manquer. Pour autant, Yannick reste persuadé que le polyéthylène téréphtalate, de son nom complet, est la meilleure solution actuelle pour les bouteilles à boisson. «Les gens doivent le savoir, c’est un matériau génial, recyclable à 100%», assure-t-il. À ses yeux, son protégé souffre de la mauvaise image générale des dérivés du pétrole. «Aujourd’hui, le sujet est devenu sensible, presque politique. Certains consommateurs mélangent tout, ils voient le PET comme un vulgaire plastique. Alors que, s’il y en a bien un qui est bon élève en Suisse, c’est lui.».

«Si on baisse trop l’épaisseur
du plastique, on a tout de suite
des réclamations.»

Julien Dubois, assistant de direction chez Aproz

Plus de 150 millions de bouteilles en PET sont produites et commercialisées par l’usine Aproz chaque année.