TEXTES ET PHOTOS:
SAMANTHA LUNDER

 

Tous les jours, Katharina Burnand pose son camping-car, dans un village fribourgeois ou vaudois, pour y toiletter chiens et chats.
Sa Cabotine est un camping-car entièrement équipé pour couper les poils, les tondre ou les shampouiner.
C’est à Rougemont que nous l’avons rencontrée, alors qu’elle avait deux border collies descendus de l’alpage à bichonner.

 

Sur la table, au milieu du camping-car, Katharina s’attaque, avec peignes et ciseaux, aux longs poils emmêlés. Elle tient le chien d’une main et coupe de l’autre. Rocky, le premier border collie de l’après-midi, est visiblement craintif, il tente quelques coups de museau. «Je préfère rester avec lui, je ne voudrais pas qu’il devienne trop agressif», explique, inquiète, Hélène*. L’animal, qui vit principalement en extérieur et à la ferme, n’a pas l’habitude d’être manipulé. Il vient pour la toute première fois chez Cabotine, le salon de toilettage itinérant lancé par Katharina Burnand en septembre de cette année. Elle s’est installée, ce jour-là, au cœur de Rougemont (VD), sur la place en face de la gare. Malgré les réticences du chien, elle parvient à le rassurer pour continuer à s’occuper de lui. Tondeuse, grosse brosse pour supprimer les nœuds, elle travaille manuellement pour lui rendre un pelage brillant. «C’est un chien heureux, qui va dehors, ça se voit. Il est donc bien barbouillé, c’est normal!» sourit la professionnelle. Rocky a passé la belle saison à l’alpage avec ses maîtres, il est donc grand temps, pour lui, de se faire toiletter, mais tout n’est pas simple. Il déteste visiblement qu’on lui pose la main sur le ventre. Au contraire, les passages fréquents du train, derrière la vitre, ne semblent pas le perturber.
Il faudra une bonne heure à Katharina pour arriver à bout de ce premier chien. «Il est bien là, je trouve, on ne va pas insister davantage pour ne pas qu’il soit trop effrayé pour une prochaine fois», explique-t-elle à la cliente. Juste avant que Rocky ne rejoigne sa voiture, la toiletteuse en profite pour égaliser quelques derniers poils sur son arrière-train. «Cela m’arrive souvent de terminer dehors, ainsi ils ne se rendent même plus compte que l’on travaille encore et se laissent faire plus facilement.» Pour sa maîtresse, une habitante du village, le résultat est plus que satisfaisant. «La dernière fois, nous avions dû lui donner un calmant quand nous l’avions emmené chez un toiletteur.

«Le bouvier appenzellois, c’est un peu ma limite»

Hélène pense revenir au printemps quand la météo sera meilleure. Car Katharina, en partant de chez elle à Montbovon (FR), se rend dans chaque village, une fois par mois, pour y accueillir avec ou sans rendez-vous ces propriétaires de chiens. Avant de se déplacer, la semaine suivante, dans un autre village de la région. Son concept, elle l’imaginait depuis plus de quinze ans et elle s’est finalement lancée. «J’ai toujours eu ce rêve de travailler avec les animaux, mais, à mon époque, la seule formation qu’il était possible de faire, sans aller à l’université, était palefrenier, ce n’était pas simple!» La Fribourgeoise décidera finalement de suivre un apprentissage d’employée de commerce, puis travaillera dans la chimie du bâtiment et poursuivra par un brevet fédéral de technicienne en marketing. «Ensuite, je me suis consacrée pleinement à ma vie de maman et, dix ans plus tard, j’ai eu envie de reprendre ce rêve endormi!» Elle s’occupe aussi de chats, mais se rend pour cela directement chez les propriétaires. «Les matous peuvent vite être un peu coquins, on préfère les laisser dans leur environnement pour les toiletter, et ainsi éviter qu’ils s’enfuient», sourit-elle.

«La seule formation qu’il était possible de faire, sans aller à l’université, était palefrenier et ce n’était pas simple !»

Katharina Burnand, toiletteuse mobile

Reste que son camping-car peut accueillir tous les types d’animaux: ses deux tables ont été spécialement aménagées et équipées d’une potence pour éviter que les compagnons à quatre pattes ne prennent la fuite. «J’ai quand même réalisé la semaine dernière, que le bouvier appenzellois, c’est un peu ma limite», rigole-t-elle en décrivant ce grand chien qui montait tout juste sur la surface prévue au toilettage.
Pour Katharina, créer ce camping-car est aussi un moyen de répondre à une demande dans la région. Elle se déplace, pour le moment, chaque mois à Charmey (FR), au Sépey (VD) et à Montbovon, trois communes où, tout comme à Rougemont, peu de services de ce genre sont proposés. «J’ai voulu apporter cette option directement chez les gens. Il y a tellement de personnes âgées qui n’ont pas de voiture ou qui ne peuvent pas se déplacer, par exemple, jusqu’aux villes où il y a des salons.»

Aucune formation n’existe en Suisse romande

Coupe aux ciseaux, douche, simple tonte, démêlage ou coupe des griffes, les prix peuvent varier en fonction de la prestation. Il faudra, toutefois, compter une centaine de francs pour une heure et demie de toilettage. «Si ça dure moins longtemps, bien entendu cela sera moins coûteux pour les propriétaires. Par exemple couper des griffes, ce sera une dizaine de francs.» Pour acquérir ces connaissances, Katharina a suivi plusieurs stages dans des salons existants, après des cours pris dans un centre canin. Car une formation en tant que telle n’existe pas à ce jour pour exercer dans la branche.
La belle-fille de la première cliente rejoint Cabotine peu avant 15 heures. C’est la journée de la famille: elle amène son second border collie, lui aussi avec un poil bien emmêlé. Mais celui-ci n’a jamais fréquenté un salon de toilettage… et cela se voit dès le premier contact: le chien essaie de pincer Katharina. «J’avais peur des chiens quand j’étais enfant. Maintenant je suis en confiance, mais je suis plus attentive quand je vois qu’ils ont ces réactions agressives, je reste sur mes gardes.» Finalement, c’est au moment où elle demande à sa maîtresse de partir un court moment que l’animal se calme. «Il ne tremble plus, souvent cela se passe comme ça, ils sont plus craintifs quand leur propriétaire est là et se calment dès que ces derniers partent.»
À force d’être brossé, le pelage finit par être presque parfait. «Avec ces chiens on pourrait continuer encore un bon moment et on aurait continuellement quelque chose à démêler! Mais pour un premier toilettage, c’est déjà très bien», termine-t-elle avant de saluer le fidèle compagnon à quatre pattes.

*Prénom d’emprunt