TEXTE: SAMANTHA LUNDER
PHOTOS: STEPHANIE WENKER

 

Devenue Miss Neuchâtel Fête des vendanges 2018, Estelle Calame-Rosset a découvert un univers dans lequel elle n’aurait jamais pensé se plonger un jour.
Celle qui confie avoir un côté garçon manqué et toujours un franc-parler a, dès le départ, voulu montrer que ces concours ne sont pas le cliché que l’on a tendance à prétendre.
Tout au long de son parcours et encore aujourd’hui, elle a tenu à rester elle-même et à sensibiliser les femmes aux demandes parfois déplacées qu’une miss peut recevoir.

C’est peut-être au bout de ses doigts qu’Estelle Calame-Rosset ressemble le plus à une miss. Ses ongles vernis en rose, parfaitement soignés et son sourire accroché au visage, la jeune femme en rigole volontiers : «Hypermaladroite, trop franche dans mes propos et un côté garçon manqué. C’est sûr, je n’aurais jamais pensé avoir le profil!» La Neuchâteloise de 23 ans a remis, cet automne, sa couronne de Miss Neuchâtel Fête des vendanges remportée en septembre 2018. Avec son fort caractère, elle a tenu, tout au long de son parcours, à défendre ses valeurs: elle a voulu faire de l’ombre au cliché qui pèse souvent sur ce genre de concours. «Je me souviendrai toujours de cette soirée où je suis allée chercher les bouteilles qu’on m’offrait pour mon anniversaire. La dame que j’avais eue au téléphone était très froide. Quand elle m’a accueillie, elle m’a dit très spontanément et avec un air étonné: « Vous n’êtes pas du tout superficielle comme je le pensais! » Ça m’a marquée.»

«Je n’avais jamais porté de talons»

Joueuse dans une équipe de flag football, un sport proche du football américain, elle se dépense chaque semaine par le sport. «Je n’ai grandi qu’avec des frères, je pensais qu’il fallait être très féminine pour participer à un concours de miss, donc tout le contraire de ce que j’étais! Mais, au fond de moi, j’avais ce rêve de petite fille d’y prendre part moi aussi, continue-t-elle. Je me souviens de m’être soudainement réveillée la veille du casting, en me disant que je devrais mettre des talons pour défiler… L’angoisse pour moi qui n’en avais jamais porté!»
Alors, quand elle a commencé à passer les étapes avec succès, Estelle s’y attendait encore moins. «Tu deviens populaire et, d’un seul coup, on te met sur un piédestal. Il faut avoir conscience, dès le départ, qu’on peut tomber aussi rapidement aux oubliettes quand notre temps est passé, c’est une popularité éphémère. Au début, j’ai eu peur de me retrouver dans un univers de bimbos, de femmes qui ne pensent qu’à leur image», se confie-t-elle. Finalement, elle y découvre un monde loin du cliché qu’elle s’était imaginé. «Nous avions toutes les mêmes appréhensions. Personnellement, je l’ai vu comme un défi qui me permettrait d’avoir davantage confiance en moi.»

«Au début, j’ai eu peur de me retrouver dans un univers de bimbos.»

Estelle Calame-Rosset, Miss Neuchâtel Fête des vendanges 2018

Défilés, représentations, shootings photos, Estelle s’est retrouvée dans la peau d’une autre femme au cours de cette expérience, comme elle le décrit: «Avec tout ce maquillage, les coiffures, je dois avouer que moi-même je ne me reconnaissais pas. Il y a tout de même un côté superficiel qui ressort, et c’est sur ça que j’ai voulu travailler en montrant qu’on pouvait dégager autre chose.» Elle donne l’exemple de cette fois où elle venait soutenir d’autres miss se présentant à l’élection de Miss et Mister Suisse romande, et où on lui a gentiment demandé «de ne pas trop se faire remarquer»: «Etant donné que je portais l’écharpe de miss, on m’a dit de bien me tenir. Evidemment, j’étais toute excitée sur mon siège, je hurlais quand elles étaient nominées. Je ne vais jamais me retenir d’être qui je suis, même si on attendrait un autre comportement de ma part.» Un autre bon exemple, cette soirée à la braderie de La Chaux-de-Fonds où elle a dansé et chanté à tue-tête en en motivant la foule à l’accompagner. «J’ai une certaine audace, qui peut être effrayante et satisfaisante à la fois, qui verrait Miss France danser comme ça?»
Étudiante à l’université à l’époque, elle est aujourd’hui secrétaire de direction dans une entreprise. Lorsqu’on lui pose la question au quotidien, elle ne s’identifie jamais publiquement comme une miss au premier abord, mais tout simplement comme Estelle. «Oui, je suis une miss et j’en suis fière, mais je pense que c’était bien d’aller au-delà en montrant vraiment qui j’étais.»

«On s’expose aussi à des personnes malveillantes»

Tout au long de l’aventure, elle a aussi tenu à partager son expérience sur les réseaux sociaux. Notamment pour sensibiliser d’autres filles à certaines choses qui l’ont particulièrement marquée. Comme ces demandes étranges reçues sur Internet: des agences l’ont contactée pour qu’elle accompagne des hommes. «C’était très clairement des propositions pour devenir escort, poursuit la jeune femme. Il faut rester attentives quand on se retrouve dans cette position, on est mises en avant partout sur Internet, et on s’expose aussi à des personnes malveillantes.» Un sujet souvent tabou, dont les filles parlent peu. «Sûrement parce que cela reste, heureusement, rare, mais personnellement j’ai eu plusieurs demandes de ce genre, comme une proposition de séance photo érotique rémunérée.»
Récemment encore, les demandes d’escorting ont continué, par email. «Ils ne disent pas que c’est ça, ils parlent d’hôtesses rémunérées, et c’est très bien payé, des salaires pouvant aller jusqu’à 900 francs l’heure. Je pense que certaines seraient tentées d’accepter, c’est pourquoi je veux qu’on en parle.» Trouvant la démarche inadmissible, elle décide de jouer le jeu en répondant aux emails, puis de continuer la discussion sur Instagram, afin de voir jusqu’où cette proposition ira. «Finalement ils ont effacé le compte en question. Impossible donc de savoir qui ils sont et de les dénoncer. Surtout qu’ils n’ont jamais dit ouvertement que cela impliquerait des rapports sexuels.» Une réalité dans cet univers qu’Estelle ne veut pas non plus dramatiser: «On est bien d’accord que ce n’est pas la faute du concours. C’est simplement dû au fait qu’une femme se retrouve sur le devant de la scène et que certains essaient d’en profiter.»

«Les miss ne mangent pas du coton»

Aujourd’hui qualifiée pour participer à Miss Suisse romande 2020, Estelle est bien décidée à se jeter une nouvelle fois sous les feux de la rampe. «Il ne faut pas tout peindre en noir, c’est avant tout une belle expérience qui nous forge. Je parle de ces choses dont il faut tout simplement être conscient.» Faire évoluer les esprits, pour montrer qu’une miss «ne mange pas du coton», comme elle en rigole, c’est une nouvelle fois l’objectif d’Estelle. «On a encore tendance à croire que ces concours sont uniquement orientés sur le physique, mais j’ai bien pu constater que non. Ils veulent une personnalité, quelqu’un qui dégage quelque chose humainement.»