TEXTES: SAMANTHA LUNDER
PHOTOS: SEBASTIEN MORY

 

Depuis deux ans, Michaël Perrottet fait du drift, un sport automobile qui consiste à faire glisser, de côté, un véhicule lancé à des vitesses affolantes.
Une passion qu’il pratique à l’étranger, par manque d’enceintes et d’autorisations pour ce type de conduite en Suisse.
Il se bat pour faire connaître cette discipline trop souvent pointée du doigt, mais qui devrait, selon lui, avoir toute sa place dans le paysage compétitif des disciplines motorisées helvétiques.

A peine entré dans le véhicule, Michaël fait vrombir le moteur. «Elle se réchauffe quelques secondes, ça y est, elle est prête», lance-t-il. Cet après-midi-là, dans ce hangar de Palézieux (VD), Michaël Perrottet s’occupe de requinquer sa belle: une voiture japonaise de 1996. Au milieu des camionnettes démontées et des pièces détachées, celle qui est illuminée par des LED violettes installées sous le châssis passe difficilement inaperçue. Le Fribourgeois nettoie, contrôle et remet en place tout ce qui a pu être endommagé lors de sa dernière compétition de drift – une discipline automobile consistant à faire glisser sa voiture sur un circuit (lire encadré) – en Allemagne, au célèbre Nürburgring, le week-end précédent. Sur le pare-chocs, on devine quelques points de suture au fil bien solide. «On recolle un peu les morceaux», rigole-t-il. Il prépare ainsi le challenge suivant, qui se déroulera quelques jours plus tard en France. «Avec cette passion, on se déplace tout le temps à l’étranger, ça nous fait voyager», ajoute le sportif en vérifiant que tous les éléments de sécurité sont bien en place.
Totalement modifiée par ses soins pour devenir une championne de drift, la voiture n’a que la carrosserie extérieure qui ressemble encore à ce qu’elle était à l’origine: des sièges-baquets, un arceau de sécurité, un volant détachable, des témoins lumineux en tout genre, un frein à main hydraulique et même des extincteurs automatiques. Impossible de s’entendre parler une fois à l’intérieur: le moteur, lui aussi très puissant, prend clairement le dessus. «Tout est allégé, y compris le système électrique, il n’y a pas de chauffage, d’airbags, et la puissance est trois fois supérieure à celle d’origine», précise celui qui est carrossier de profession. D’ailleurs, elle est tellement modifiée qu’elle ne peut, légalement, plus rouler sur route ouverte. Tous les déplacements se font sur une remorque.
Le trentenaire s’est plongé dans cette discipline, il y a un peu plus de deux ans, et en est aujourd’hui complètement mordu.

Le but est de «perdre» la maîtrise de la voiture.

Michaël Perrottet, sportif automobile

«L’essence a commencé à couler dans mes veines»

Ce sport de vitesse lui rappelle des souvenirs d’enfance: à 6 ans seulement, il montait sur sa première moto de cross. «Mon père avait tout mis en œuvre pour me faire participer à mes premières courses motorisées, explique-t-il. J’étais si petit, j’arrivais à peine à tenir dessus, il me fallait un escabeau pour être debout sur la grille de départ. L’esprit de compétition, les sensations, je pense que l’essence a commencé à couler dans mes veines à ce moment-là.» Il arrêtera quelques années plus tard et y reviendra finalement avec le drift. «J’ai une vie très hyperactive et je réalise que rien ne me calme plus que cet instant où je suis derrière mon volant après un beau run», confie Michaël. Mais le Fribourgeois aimerait que ce sport puisse de nouveau être pratiqué en Suisse comme à une époque. Un grave accident dans les années 1950, en pleine course, aux 24 Heures du Mans, en France, a stoppé net les organisateurs de ces événements dans le monde entier. Ce drame, une voiture qui a pris feu, avait causé la mort de plus de cent personnes dans le public. «Depuis, beaucoup de pays se sont fermés aux courses automobiles. La plupart ont repris avec de nouvelles normes, mais pas la Suisse», déplore Michaël. Les compétitions hors circuit comme des rallyes sont encore autorisées, mais ce sont les pistes qui n’existent pas chez nous. «Un temps on pouvait rouler sur les circuits TCS, mais ils ont finalement décidé d’arrêter pour se concentrer sur la formation, complète-t-il. On souffre de cette situation, avoir un circuit fermé nous permettrait de sensibiliser les gens en les laissant s’adonner à une conduite sportive.»

Un sport à démocratiser

Selon lui, il faudrait que le drift puisse être considéré comme tout autre sport motorisé, à l’instar, par exemple, de la formule 1. «On nous reproche de ne pas pratiquer le sport le plus écologique, parce qu’on fait très clairement fumer la voiture, mais il faut se rendre compte qu’en un week-end de compétition, on consomme beaucoup moins de carburant et de pneus que ces voitures de formule 1», ajoute-t-il. Le pilote relève, par exemple, son projet de rouler avec des biocarburants dès 2020. Michaël est convaincu que, si des pistes existaient, cela pourrait aussi calmer les ardeurs de certains quant au non-respect des règles de la circulation du quotidien. Car les amateurs de sensations fortes en voiture auraient un endroit où se faire plaisir, légalement, en toute sécurité. «Depuis que je fais du drift, mes amis me traitent de papy sur la route, confie-t-il. Car je suis tellement contenté par ce qu’il se passe sur le circuit que je n’ai plus besoin de rien prouver ailleurs.»

«Il y a un aspect artistique dans le drift»

Une compétition de drift consiste à rouler sur un circuit et à faire «décrocher» l’arrière de l’auto, c’est-à-dire faire glisser le véhicule, le plus longtemps possible, avec une technique parfaite, sur une ligne idéale définie par des juges. Ils évaluent ensuite le style, la vitesse et l’angle de dérapage, selon des critères définis à l’avance. «À la différence d’autres sports automobiles, il y a un aspect artistique dans le drift», complète Michaël. Des zones sont marquées sur le sol pour indiquer au pilote où il doit, idéalement, faire passer sa voiture. Le but final étant de «perdre» la maîtrise de la voiture, pour la reprendre après quelques secondes de spectacle. Le tout, en ayant toujours le contrôle de cette machine lancée à grande vitesse.