TEXTES ET PHOTOS:
SAMANTHA LUNDER

 

Sophie Nallet est sage-femme depuis dix ans. Plusieurs fois par semaine, en plus de son travail à l’hôpital, elle rend visite aux jeunes parents pour les conseiller sur leur nouveau rôle.
Enlever des agrafes suite à une césarienne ou répondre aux inquiétudes de chacune, son métier va bien au-delà du médical.
Les visites s’enchaînent, mais aucune ne se ressemble: les mamans l’interrogent pour un allaitement difficile, un bébé qui jaunit, ou simplement pour être guidées dans leurs gestes.

Installée sur le canapé, Sophie cherche à rassurer la jeune maman. «Hier c’était le drame, il ne voulait plus du tout téter», lui explique Pauline*, sa patiente, visiblement très touchée. Son nouveau-né d’à peine 2 mois refuse toute proposition de mise au sein depuis plusieurs jours. Une situation difficile à vivre pour la mère de famille, qui a appelé à l’aide après de nombreuses tentatives sans succès. «On va y aller tout tranquillement, vous lui faites confiance et on essaie ensemble», la conforte Sophie Nallet, sage-femme depuis dix ans. Des difficultés comme celle-ci, la trentenaire en voit au quotidien: lorsqu’elle ne travaille pas en salle d’accouchement à l’hôpital, elle va directement chez ces mamans pour leur apporter conseils et réconfort dans leur nouveau rôle.
Mais ce jour-là, dans cette maison au cœur de Fribourg, cela s’annonce plus compliqué que prévu. À chaque nouvel essai, le petit crie et refuse visiblement le lait de sa maman malgré les encouragements de Sophie. «C’est quand même très rare d’avoir un bébé qui ne tète pas du tout, on va essayer de comprendre pourquoi.» Le petit se nourrit bien au biberon, la sage-femme précise alors que l’effort est moins grand pour lui lorsqu’on lui présente une tétine. Elle suggère à la maman de refaire de courts essais, en variant entre le biberon et le sein, dans le calme, pour que, petit à petit, il s’habitue à reprendre son lait maternel. Avant de partir à son deuxième rendez-vous de l’après-midi, Sophie l’informe qu’elle repassera après le week-end. Une fois de retour dans sa voiture, elle se confie: «Je suis frustrée pour cette dame, car nous n’avons pas réussi à régler cela ensemble. Il faut l’accompagner pour lui permettre de continuer cet allaitement dont elle a profondément envie.»

C’est très rare d’avoir un bébé qui ne tète pas du tout. Je suis là pour essayer de comprendre pourquoi.

Sophie Nallet, sage-femme

«C’est important de les entourer»

Finalement, son travail n’aura pas été aussi vain qu’elle le pensait: Sophie recevra, en fin de journée, un message de la maman lui disant que son petit a réussi à téter pendant cinq minutes. Une victoire pour toutes les deux. Sur son téléphone, la sage-femme est joignable en tout temps, pour que ses patientes puissent la contacter en cas de besoin ou lui donner des nouvelles. «C’est sûr qu’il faut mettre des limites parfois, mais je trouve important qu’elles se sentent entourées à tout moment. C’est presque un métier de guide.»
Avec sa voix douce et son calme à toute épreuve, Sophie prend toujours le temps qu’il faut pour chaque parent, mais ne perd pas une minute entre ses rendez-vous qui s’enchaînent. Ses deux gros sacs sur les épaules, elle saute dans sa voiture peu après 15 heures. Elle doit encore rendre visite à deux familles avant d’aller chercher son fils à la crèche en fin de journée. «C’est sûr que c’est chargé, mais je ne précipite jamais les rencontres. Je passe une bonne heure avec elles et, si besoin, je reviens le lendemain.» Elle est appelée sur demande, dans son rayon d’action autour de Fribourg, par toutes les mamans qui viennent d’accoucher. Le service est pris en charge par l’assurance maladie, qui couvre jusqu’à seize rendez-vous entre les parents et la sage-femme.

Une aide dans tous types de situations

Dans l’appartement suivant, un autre type d’intervention. Sophie doit enlever les agrafes à Teresa*, une maman qui a donné la vie par césarienne. Elle et son époux s’inquiètent de voir leur bébé un peu jauni: pour les rassurer, la sage-femme sort un petit appareil, qu’elle pose sur la peau du nouveau-né. «Cela permet de voir l’avancement de la jaunisse. Pour cet enfant, tout va bien, le taux n’est pas trop élevé.» Le tout est fait en une bonne demi-heure, Sophie reprend la route pour son dernier bébé de la journée. Elle est dans les temps et arrive chez une maman péruvienne, avec qui la sage-femme s’exprime en espagnol. «J’ai de la chance de pouvoir parler ma langue, réagit Claudia*, mère d’un petit Corentin de deux mois. Elle m’écoute et m’apporte un soutien aussi émotionnel, qui est très important dans ces premiers jours avec notre enfant.»
Sophie en est convaincue: sa présence est primordiale pour que ces femmes soient sereines dès le départ. «J’aime leur redonner la confiance que, bien souvent, la vie ébranle. Toutes les histoires sont différentes, mais des fois j’aimerais pouvoir dire aux mamans inquiètes: « Regardez, on est toutes pareilles, les autres vivent aussi ces craintes » ».