TEXTES: FABIEN FEISSLI
PHOTOS: CYRIL ZINGARO

Tous les mercredis matin, à 6h30 tapantes, une trentaine d’entrepreneurs vaudois se réunissent à Savigny. Tous actifs dans un secteur différent, ils ont un but très clair: faire du business.
Entre bonne humeur et efficacité, chacun partage son réseau avec ses camarades afin de les aider à décrocher de nouveaux contrats. Leur slogan? «Qui donne reçoit.»
Venu des États-Unis, le système du BNI se répand en Suisse depuis plusieurs années. Avec succès puisque les 79 groupes actifs ont généré plus de 248 millions de chiffre d’affaires en 2018.

Il est 6h30, ce mercredi matin là, au centre de Savigny. Alors que le village vaudois baigne encore dans le sommeil, sa salle polyvalente s’anime déjà de la rumeur des conversations. Un café à la main, une douzaine de personnes se pressent autour des viennoiseries du petit-déjeuner en échangeant des salutations. Et, même si le buffet vaut le détour, aucun d’eux n’est là pour ça. «Le but, c’est de faire du business», lâche sans complexe Jean-Yves Lemaître, responsable de l’imprimerie Imprimexpress à Vevey (VD). Comme une trentaine d’autres entrepreneurs de la région, il est membre du nouveau groupe Business Network International (BNI) de Lavaux, qui s’est constitué le 2 octobre dernier. Venu des États-Unis, le système compte 2500 membres en Suisse, organisés en 79 associations régionales. Il prône une idée simple: «Qui donne reçoit.» Ainsi, chaque entrepreneur est invité à partager son réseau avec ses camarades afin de les aider à décrocher de nouveaux clients.
«Nous nous rencontrons, tous les mercredis, c’est une manière d’apprendre à se connaître, de créer de la confiance pour que nous puissions nous recommander ensuite. Chaque personne représente un corps de métier différent, ainsi nous ne nous faisons pas concurrence», poursuit Jean-Yves, en se servant un nouveau café. Mais pourquoi organiser ces réunions aussi tôt? «En peu de temps, cela nous permet de voir un maximum de gens. On est frais et cela ne nous bloque pas la journée, on peut aller travailler ensuite», sourit-il avant de prendre la direction de la salle de conférence. À 7h, Powerpoint à l’appui, Yves Dubi, directeur du «chapter» (groupe) de Lavaux, entame la séance. Il commence par rappeler l’essentiel: «On est là pour générer du chiffre d’affaires», puis lance un tour de table où chacun a 30 secondes pour se présenter.
L’un après l’autre, la trentaine d’entrepreneurs présents se lèvent, déclinent leur nom, introduisent leur entreprise, puis soumettent à l’assemblée une demande de personnes avec lesquelles ils aimeraient entrer en contact. Certaines prestations ressemblent à de véritables spots publicitaires, l’un jongle tout en parlant, tandis qu’un autre s’exprime en cingalais pour signifier que l’informatique est parfois incompréhensible. Chaque performance est applaudie à la hauteur de son originalité. Une fois ce premier tour de table terminé, un second débute, plus sérieux. Cette fois-ci, chacun doit présenter les résultats de sa semaine.

C’est difficile d’entrer ici, mais c’est facile d’en sortir. Notre but, c’est que tout le monde atteigne le succès.

Yves Dubi, directeur du chapter de lavaux

«Les gens sont notés»

Il y a tout d’abord les «merci», de petites cartes remplies à la main qui viennent louer le travail d’un autre membre du groupe leur ayant permis de conclure une affaire. Les montants empochés varient entre une centaine de francs et plusieurs milliers. Vient ensuite l’heure du compte rendu des «one to one», des entretiens en tête à tête que les entrepreneurs sont censés mener chaque semaine afin d’apprendre à mieux se connaître. Finalement, chacun signale s’il peut aider l’un de ses camarades à entrer en relation avec l’une des personnes qu’il recherche. De nouveau, l’information est consignée sur un petit bout de papier que Lino Baccini, directeur adjoint du «chapter», vient récupérer. Quelques minutes plus tard, celui-ci fait apparaître plusieurs graphiques décortiquant la performance des participants. «Les gens sont notés. C’est difficile d’entrer ici, mais c’est facile d’en sortir. Nous ne sommes pas là pour les fliquer. Notre but, c’est que tout le monde atteigne le succès», confie Yves Dubi, précisant que la durée de vie moyenne d’un membre est de deux ou trois ans. Le directeur du groupe reconnaît sans peine que la démarche est exigeante pour les entrepreneurs. «Ils paient une cotisation élevée – 1500 francs par année – et ils doivent intégrer ça à leur timing professionnel. Ils s’attendent donc à ce que cela leur soit bénéfique», détaille-t-il.
Fondatrice du traiteur Al Sacco, Lea Bettua abonde: «Les horaires m’ont rassurée. Si les gens viennent à 6h30 le matin, c’est qu’ils sont motivés. Pour moi, c’était important d’intégrer un groupe où il y a vraiment des résultats en termes de chiffre d’affaires et de contact humain.» La trentenaire compte de nombreux nouveaux acheteurs grâce à son entrée au BNI, à commencer par le «chapter» lui-même, puisque c’est elle qui fournit le petit-déjeuner tous les mercredis matin. Conseillère à la Zurich Assurances, Julie Tanner tire elle aussi un premier bilan positif: «J’ai trouvé une dizaine de nouveaux clients en peu de temps. C’est vrai que c’est tôt, mais, pour moi, c’est une manière de bien entamer ma journée. Le mercredi, c’est le meilleur jour de ma semaine.»