TEXTES: FABIEN FEISSLI
PHOTOS: JEAN-GUY PYTHON

Anaïs Morand a grandi avec des patins à glace aux pieds. Multiple championne suisse de patinage artistique, elle a également participé aux Jeux olympiques de 2010.
Pourtant, c’est dans une discipline très différente que la Fribourgeoise s’illustre désormais, le Red Bull Crashed Ice. Et avec brio, puisqu’elle s’est classée troisième mondiale l’an passé.
Aucune piste d’entraînement n’existant, c’est en rollers que la jeune femme se prépare pour la nouvelle saison. Avec un objectif très clair: devenir championne du monde.

Juchée au sommet de la rampe, rollers aux pieds, Anaïs Morand hésite. «C’est raide quand même», glisse-t-elle. Une appréhension largement compréhensible au vu de l’obstacle, mais qui a de quoi surprendre venant d’elle. Depuis quatre ans, la Fribourgeoise est l’une des deux seules Suissesses pratiquant l’ice cross downhill, une discipline – célèbre notamment grâce au Red Bull Crashed Ice – consistant à dévaler, sur des patins à glace, un parcours vertigineux en compagnie de trois autres concurrents. «Ça peut paraître bizarre parce que c’est beaucoup moins haut, mais je suis plus à l’aise en patins qu’en rollers. Le goudron, c’est pire que la glace, ça ne glisse pas», sourit-elle en regagnant le plancher des vaches.
Il faut dire que la jeune femme connaît les patinoires comme sa poche. Et qu’elle réserve quelques surprises. Entre ses 6 et ses 20 ans, c’est dans un sport a priori très éloigné de l’ice cross downhill qu’Anaïs s’est illustrée: le patinage artistique en couple. Avec brio, puisqu’elle a été cinq fois championne de Suisse, a participé à plusieurs reprises aux championnats d’Europe et du monde ainsi qu’aux Jeux olympiques de Vancouver en 2010. «C’est vrai que cela étonne parfois, mais ceux qui me connaissent vraiment bien ne sont pas surpris», assure l’employée de commerce. Avec malice, elle laisse entendre que la discipline la plus risquée n’est pas forcément celle que l’on croit. «À mes yeux, c’était plus dangereux le patinage artistique. Aujourd’hui, je n’oserais plus faire ce que je faisais.» La Fribourgeoise de 26 ans reconnaît, toutefois, que son nouveau sport n’est pas de tout repos.

«Cela revient un peu aux sensations du ski, sauf en plus rapide et en trois fois moins stable.»

Anaïs Morand, patineuse

À force d'entraînement, Anaïs est montée à plusieurs reprises sur le podium l'hiver passé, terminant même la saison au troisième rang mondial.

«Je suis tombée dès les premiers mètres»

«Cela revient un peu aux sensations du ski, sauf en plus rapide et en trois fois moins stable. Si tu tombes, tu as des risques de te faire bien mal. Il y a beaucoup d’épaules dehors», décrit-elle. D’ailleurs, ses débuts ont été aussi imprévus que difficiles. En novembre 2015, Derek Wedge, un Valaisan champion du monde du Red Bull Crashed Ice en 2013, l’invite à venir découvrir sa discipline lors d’une épreuve au Canada. «C’était un peu fou, mais une chance unique. Sur le moment, je ne me suis pas rendu compte de ce que je faisais. Je suis tombée dès les premiers mètres, j’avais mal partout.» Malgré tout, Anaïs se qualifie pour la course principale et apprécie l’expérience. Sa reconversion est lancée. Mais cela a beau être de la glace, les deux sports sont très différents. «L’adrénaline est plus haute: dans le patinage artistique, tout doit être précis au millimètre, il faut sourire en permanence, montrer que c’est facile. Là, c’est le contraire, il faut te surpasser et il y a toujours plein d’imprévus. Pour moi, cela a été superdur de m’adapter à ça», raconte-t-elle. La jeune femme a également dû s’habituer à de nouveaux patins – de hockey – et à un équipement complet: casque, plastron, genouillères, coudières et protège-tibias. «Chaque année, je change pour des protections plus légères et de plus aérodynamiques parce que je tombe de moins en moins», souligne-t-elle. Son ancienne discipline lui a tout de même apporté certains avantages. «Je suis plus stable en l’air et je maîtrise bien les atterrissages. J’arrive aussi facilement à faire abstraction du public, parfois on s’élance devant plus de 100 000 personnes.»
Seul problème, il est très difficile de s’entraîner à l’ice cross downhill, car il n’existe pas de piste pour s’exercer. Les parcours sont construits spécialement pour les compétitions et démontés juste après. «Alors je fais du roller pour la technique, du patinage sur glace pour la vitesse, du fitness et du crossfit», détaille Anaïs.

«Je veux viser le titre»

Des efforts qui ont fini par payer. À force d’entraînement, Anaïs a amélioré son classement année après année. Au point de finir au troisième rang mondial l’an passé. Pour la saison qui débute en octobre, l’objectif est donc clair: «J’ai beaucoup travaillé durant l’été, je veux viser le titre. Ce serait incroyable de devenir championne du monde dans une autre discipline que le patinage artistique.»