TEXTES: FABIEN FEISSLI
PHOTOS: SEBASTIEN MORY

Depuis 2013, Climate Services dresse le bilan en CO2 des entreprises romandes. Un point de comparaison qui permet, ensuite, à ces dernières de réduire leur impact sur l’environnement.
Dans ce calcul, chaque élément compte, du chauffage du bâtiment au papier de l’imprimante en passant par les moyens de transport utilisés par les employés.
Ce jour-là, c’est l’évêché, sous l’impulsion des recommandations du pape, qui a décidé de se soumettre au diagnostic de Werner Halter (en photo), fondateur de l’entreprise.

Au fil de la conversation, la liste s’allonge. Assis dans un grand bureau au deuxième étage de l’évêché, à Fribourg, Werner Halter note scrupuleusement chaque élément dans son calepin. Il y a le type de chauffage, la consommation électrique, les déplacements pendulaires et professionnels, le tri des déchets, le papier et les cartouches d’encre utilisées par l’imprimante, le nombre d’envois postaux ou encore les services qui sont sous-traités, comme les cartes de visite des collaborateurs. «L’objectif, c’est de faire l’inventaire de tout ce qui peut générer du CO₂. Au total, nous avons plus de 500 indicateurs qui permettent de remplir un formulaire qui calcule automatiquement le résultat», explique Werner Halter. Géologue de formation, le quinquagénaire a fondé Climate Services en 2013. Depuis, son entreprise aide les sociétés et institutions romandes à dresser le bilan de leurs émissions de CO₂.
Aujourd’hui, c’est donc le siège fribourgeois du diocèse de Genève, Lausanne et Fribourg qui passe sur le gril. «Dans ses derniers discours, le pape nous a demandé d’être sensible à cette problématique, on essaie donc de faire attention. Mais c’est un sujet auquel Monseigneur Morerod est très sensible depuis longtemps», pointe Laure Christine Grandjean, responsable communication de l’évêché. C’est à elle, avec l’aide de sa collègue Léonie Dumoulin, que revient la tâche d’établir ce diagnostic. Et, si certains chiffres comme la consommation électrique sont simples à trouver grâce aux factures des fournisseurs, d’autres s’annoncent plus ardus à dénicher. Il faut notamment déterminer les déplacements de chacun des collaborateurs durant l’année. «Pour Monseigneur Morerod, c’est facile, il note tous ses trajets en train. Mais pour les autres? Certains jours, ils traversent la Suisse. Ils sont à Lucerne le matin, à Genève l’après-midi. Cela va prendre des heures et des heures. Comment retrouver toutes ces informations?» s’interrogent les deux femmes.

«Le bilan n’est pas une fin en soi. Le but, c’est de voir dans quels domaines on peut fixer des objectifs de réduction pour l’année suivante»

Werner Halter, directeur Climate Services

«Pas là pour dire si c’est bien ou pas»

Werner Halter tente de se montrer rassurant. «Si nécessaire, vous pouvez faire une estimation sur une semaine ou un mois. Mais le temps qu’il faut pour rassembler toutes les données est souvent largement surestimé. Cela représente au maximum deux jours de travail.» Dans tous les cas, le spécialiste assure qu’il y aura une part d’incertitude dans ces chiffres. Ceux-ci reposent, d’ailleurs, principalement sur la bonne foi de l’institution analysée. Ce qui ne représente pas un problème aux yeux du responsable. «Le bilan n’est pas une fin en soi. Nous ne sommes pas là pour dire si le résultat est bon ou pas. Le but, c’est de voir dans quels domaines la consommation est importante et où on peut fixer des objectifs de réduction pour l’année suivante», détaille-t-il, soulignant la nécessité de renouveler l’opération à plusieurs reprises afin de pouvoir comparer. Dans le cas de l’évêché, les premiers résultats sont attendus d’ici à la fin de l’année, mais le Fribourgeois a déjà une petite estimation en tête. «On devrait être aux alentours de 50 tonnes de CO₂ générées par an, avec le chauffage et la mobilité comme éléments principaux», pronostique-t-il. Il reconnaît, toutefois, que le diagnostic final réserve parfois des surprises. «On a eu un bureau d’architecture qui faisait très attention sur de nombreux points, mais l’utilisation de la machine à café représentait 10% de leur bilan.»

«Les entreprises ont intérêt à anticiper»

Du côté de l’évêché, Laure Christine Grandjean et Léonie Dumoulin voient leur démarche comme une manière de sensibiliser leurs collègues, mais pas seulement. «C’est aussi une façon de montrer l’exemple, en espérant que cela pourra inciter d’autres entités à faire de même.» Werner Halter approuve: «Aujourd’hui, pratiquement personne n’a conscience de son impact sur l’environnement. Pourtant, les entreprises ont un véritable intérêt à anticiper.» Climate Services reçoit d’ailleurs de plus en plus de demandes. Au total, la société s’occupe, aujourd’hui, d’une cinquantaine de clients. Selon son fondateur, un véritable changement de paradigme est en cours. «On parle de plus en plus de ce sujet. Tous les pays, notamment la Suisse, ont décidé d’agir. Le calendrier n’est pas encore clair, mais, tôt ou tard, les lois vont changer. Pour les entreprises, ce n’est plus seulement une question d’image, c’est une question de survie.»