TEXTES: SAMANTHA LUNDER
PHOTOS: SEBASTIEN MORY

À Châtel-Saint-Denis, les parents dans le besoin peuvent aller chercher gratuitement vêtements ou objets du quotidien pour leurs bambins auprès de SOS futures mamans.
Deux demi-journées par semaine, des bénévoles ouvrent la boutique fribourgeoise pour trier les nombreux dons et les redistribuer sur place.
Un système d’entraide qui permet de donner une seconde vie à ces habits pour tout-petits et, surtout, qui offre un lieu d’écoute à ces familles.

Dans l’arrière-boutique, Béatrice Surchat et Susan Spelling se saisissent d’un grand sac noir. Elles y plongent les mains pour en sortir de tout-petits pantalons, des bodies ou des chaussettes. «Ce sont des affaires que des gens nous ont apportées et qui doivent encore être triées par taille», explique la première en pliant minutieusement un haut blanc. À sa droite, sa collègue le récupère pour le placer sur la bonne pile. «Ensuite nous pourrons les ranger dans les bacs de la réserve, car ce sont des habits d’été. Nous ne les proposons pas à cette saison aux parents.»
Dans ce local qui a pignon sur rue à Châtel-Saint-Denis (FR), les deux femmes viennent bénévolement, deux fois par mois, pour s’occuper du tri des nombreux vêtements pour enfants. Ce sont des dons, faits par des familles, à l’association SOS futures mamans, qui tient ici une de ses boutiques.
Tous ces habits, jouets ou objets utiles au quotidien de jeunes parents sont mis gratuitement à disposition de toutes les personnes qui pourraient en avoir besoin. «Ici, on range tout, puis on les classe à l’avant, où les gens pourront venir les choisir selon la taille qu’ils recherchent, précise Béatrice Surchat, au sein de l’association depuis dix ans. On leur met à disposition de jolis habits, on fait attention tout de même à la qualité et à ce que ce soit propre.» Susan Spelling, sa collègue ici depuis quatre ans, s’empare d’une première pile. «Ceux-ci, nous pensons qu’ils sont un peu trop anciens et qu’ils ne plairont pas aux mamans. Nous allons donc les donner à une œuvre caritative, qui pourra tout de même les envoyer à l’étranger.» Entre ses mains, deux chaussons jaunes tricotés. «C’est mignon, mais on n’en demande plus des comme ça ici.»

«ici, on range tout, puis on les classe à l’avant, où les gens pourront venir les choisir selon la taille qu’ils recherchent.»

Béatrice Surchat, bénévole depuis 10 ans

«Une maman est arrivée en pleurs»

Ce jour-là, le calme règne dans les deux pièces. Ce qui laisse du temps aux deux bénévoles pour ranger les derniers dons reçus. «J’ai eu une personne à l’ouverture qui est venue chercher des affaires d’hiver pour son petit de 2 ans, on lui en a donné beaucoup, continue Béatrice. Souvent on a deux ou trois personnes par ouverture, il n’y a pas énormément de passage ici.» Le local est ouvert pour accueillir les bénéficiaires chaque lundi après-midi et jeudi matin. Le carillon de la porte retentit finalement un peu avant 11 heure. Les bénévoles étaient sur le point de fermer, mais vont prendre le temps pour les deux femmes qui viennent d’entrer. La première recherche une écharpe pour porter son nouveau-né de deux semaines. Laura* est déjà venue ici juste avant la naissance, en toute urgence. «Je me suis retrouvée dans une situation particulièrement difficile financièrement. J’ai eu mon bébé et il me fallait de l’aide. Cet endroit m’a sauvée, je n’aurais pas su vers qui d’autre me tourner», nous raconte la Fribourgeoise, les larmes aux yeux. Les habits, elle en a pris parce que tout ce qu’elle avait acheté était trop grand pour sa petite fille née plus petite que prévu. Et elle n’avait pas les moyens de tout racheter. Elle prévoit de venir les rendre lorsqu’elle n’en aura plus l’utilité, pour qu’une nouvelle famille puisse en profiter. Alors qu’elle essaie de comprendre comment fonctionne le tissu qu’on lui tend, une autre maman, venue chercher des bottines pour sa fillette, l’interpelle en souriant: «Vous savez, j’ai porté ma fille longtemps là-dedans, je vous montrerai comment ça marche.»
Les bénévoles le confirment, c’est aussi ça tout le sens de cet endroit: pouvoir créer un lieu d’écoute et de partage entre parents. «Je me souviens bien d’une maman arrivée en pleurs dans la boutique, alors que je venais de fermer, témoigne Béatrice. Je me suis arrêtée pour discuter avec elle, on sentait qu’elle avait surtout besoin de parler. On est restées une heure ensemble, et la voir repartir avec le sourire, c’était vraiment un plaisir pour moi.» Lits à barreaux, baignoires en plastique, peluches et jouets, même si les dons principaux sont des vêtements, ici, tout est gardé dans la mesure de la place disponible.

La situation financière comme seule justification

«C’est une solidarité entre ceux qui ont et les autres. Il y a de nombreuses situations qui créent ce besoin actuellement dans nos régions, on ne s’en rend pas forcément compte, explique Marlène Glardon, présidente de SOS futures mamans de la région Riviera-Veveyse, dont fait partie le local de Châtel-Saint-Denis. On ne demande pas de justification aux gens, mais on s’informe sur leur salaire, afin de savoir pourquoi ils font appel à nous.» Si l’échange est d’abord matériel, il est surtout humain entre les bénévoles et les personnes qui viennent chercher quelques instants de réconfort.