TEXTES: SAMANTHA LUNDER
PHOTOS: MURIEL ANTILLE

Célébrante de cérémonies laïques, depuis deux ans, Julie Dematraz accompagne couples et familles dans leurs rituels de vie. Elle officie pour des mariages, des naissances ou des cérémonies funèbres.
Son rôle est de faire en sorte que ce moment soit à l’image de ses clients, selon leurs valeurs et leurs croyances.
Suite à des demandes récentes, elle s’apprête même à accompagner des personnes dans la préparation de leur propre rituel funéraire. Un moment particulier, que la trentenaire voit avec beaucoup de tendresse.

Devant l’assemblée, Julie conte avec douceur et enthousiasme la relation des deux futurs époux. Entre métaphores liées aux voyages et anecdotes, elle tisse une histoire. L’histoire de ces amoureux qui lui ont ouvert les portes de leur coeur. Ils l’ont invitée dans leur intimité pour qu’elle concocte une cérémonie à leur image. Elle ne les connaissait pas, et pourtant, elle parle d’eux comme s’ils faisaient partie de sa famille.
Aux yeux de la loi ou de l’église, la Vaudoise Julie Dematraz ne marie pas ce couple, venu célébrer son union dans les jardins d’un restaurant à Crissier (VD). Elle propose, depuis près de deux ans, ce qu’on appelle des cérémonies laïques. Ces rituels de passage permettent de célébrer mariages, naissances, renouvellements de voeux ou enterrements sans connotation religieuse. Passionnée d’écriture, de théâtre, et de contact humain, Julie a voulu se lancer dans l’aventure pour permettre aux non-croyants de célébrer ce moment symbolique, en créant un événement à leur image. «Je ne connaissais absolument pas ce type de cérémonie jusqu’à ce que mon frère me demande de célébrer la sienne, il y a un peu plus de trois ans, témoigne la trentenaire. Pour moi, c’était uniquement ce qu’on voyait dans les comédies romantiques américaines, cela me paraissait complètement abstrait!»
Pourtant, à peine cette première expérience réalisée, les idées fusent dans sa tête. «Beaucoup se tournent encore vers le choix de l’église, même s’ils ne croient pas en Dieu. Je trouve qu’il est plus respectueux envers soi-même, mais aussi envers l’Eglise et toutes les autres institutions religieuses, d’avoir une autre possibilité.»

«C’est un investissement émotionnel»

Reste que le frein principal est souvent le prix: ce type de cérémonie se chiffre à trois zéros (réd: le prix d’une cérémonie religieuse varie, elle peut être gratuite dans certaines paroisses, ou tourner autour des 300 francs dans d’autres), car il faut, en moyenne, une quarantaine d’heures de préparation pour un mariage. «C’est un investissement qui est émotionnel pour eux comme pour moi. Je les aide à personnaliser chaque instant, même l’échange des voeux ou encore celui des alliances, à choisir ce qu’ils veulent symboliser. On ne se rend pas compte, mais cela demande plusieurs rencontres, et surtout du temps», termine la célébrante.

«Je ne savais pas du tout comment j’allais aborder leur propre mort autour d’un café.»

Julie Dematraz, Célébrante de cérémonie

Aujourd’hui, elle explique que les mariages laïques sont répandus en Suisse romande, mais elle a le sentiment que c’est encore bien loin d’être le cas des cérémonies funèbres. Elle qui en a célébré bien moins que celles de mariage, pour le moment, est persuadée que c’est dû à plusieurs facteurs: «Tout d’abord, beaucoup de personnes ne sont même pas au courant de cette alternative. Ensuite, la mort est taboue dans notre société, il reste difficile d’en parler de son vivant et de prendre des dispositions anticipées. Je pense également que, par la nature des choses, les personnes qui décèdent sont généralement plus âgées que nous et sont issues de générations plus attachées à la religion.»

Préparer sa mort… avant de mourir

La célébrante est convaincue qu’être à l’écoute des envies d’un proche non-croyant, sera bénéfique: «Pour moi, ce sont presque les plus belles cérémonies. C’est la partie du métier que je préfère. C’est là où j’ai l’impression d’être la plus utile, car je permets à la famille et à la personne partie, de faire quelque chose qui leur correspond.» Pour se familiariser avec ce milieu particulier, Julie a fait des stages chez les pompes funèbres. «J’ai notamment eu la possibilité de participer à la levée du corps que j’allais officier. C’était un moment fort, car je ne connaissais pas cette personne de son vivant, mais cela m’a permis de me sentir sereine pour aborder cette cérémonie.» Plus atypique encore, en ce moment, Julie accompagne des personnes qui ont décidé de tout préparer avant de partir pour leur dernier voyage: «Au début, je ne savais absolument pas comment j’allais aborder leur propre mort autour d’un café et d’un croissant le matin.» Textes, interventions, musiques, elle les suit pour créer une cérémonie sur la base de ce qui a marqué leur vie et selon leurs croyances. «Je les laisse libres, ensuite, de choisir si c’est moi qui la célébrerai. Avec du recul, je me suis dite « qu’est-ce qu’ils ont raison », cela soulagera leurs proches le moment venu.»