TEXTES: FABIEN FEISSLI
PHOTOS: JEAN-GUY PYTHON

Dans les années à venir, le Valais devrait être touché par un séisme d’une magnitude supérieure à 6 sur l’échelle de Richter. Cette catastrophe serait l’une des plus importantes qui frapperaient la Suisse. Pour en limiter les dégâts, la géophysicienne Anne Sauron tente de sensibiliser petits et grands. Son outil phare? Le simulateur de tremblements de terre développé par la HES-SO Valais. Celle qui a été directement touchée par le séisme de 1994 à Los Angeles n’a qu’un mot à la bouche: préparation. Un message qu’elle peine encore à diffuser au sein de la population.

La détonation sourde fait sursauter tout le monde. Quand les murs de la classe se mettent à vibrer, chacun s’accroche de son mieux. Le sol tremble, faisant valdinguer les tables et les chaises d’un côté à l’autre de la pièce. C’est un vrai chaos, les néons se décrochent du plafond, le bitume du parking s’affaisse, entraînant les voitures avec lui. Après de très longues secondes, les secousses cessent et le calme semble revenir. Pourtant, le pire est à venir. Au loin, un torrent d’eau grossit, avalant la route sur son passage et se ruant sur l’école. Sur la droite, ce n’est guère plus réjouissant, un glissement de terrain fait rouler d’énormes rochers, qui viennent s’écraser contre les vitres de la classe. Heureusement, la démonstration se termine et les écrans se mettent en veille. Si le simulateur de séismes développé par la HES-SO Valais est régulièrement utilisé pour sensibiliser les classes du canton, ce matin-là, ce sont les membres de l’état-major intercommunal de crise en cas de catastrophe du Haut-Lac qui sont venus en bénéficier. Car, même s’il peut sembler apocalyptique, le scénario joué n’a rien d’une fiction. «Dans l’histoire du Valais, tous les 80 ans – à plus ou moins 20 ans près – un tremblement de terre supérieur à 6 sur l’échelle de Richter se produit. Le dernier, c’était en 1946, le suivant cela peut être demain ou dans quarante ans», expliquait la géophysicienne Anne Sauron juste avant la démonstration. Suivi de 517 répliques, le drame du 20e siècle avait fait cinq morts et détruit plus de 3500 bâtiments. «Aujourd’hui, les dégâts seraient énormes. En termes de coûts, ce serait l’une des catastrophes les plus importantes de Suisse», détaille la responsable du Centre pédagogique pour la prévention des séismes. Car, la spécialiste l’affirme, nos bâtiments sont loin d’être prévus pour faire face à un tremblement de terre. «À l’exception des tunnels, des barrages et des ponts, la plupart des bâtiments ne sont pas construits suivant les normes sismiques.»

«Les séismes sont impossibles à prévoir»

Problème, la Romandie et plus particulièrement le Valais ne sont pas suffisamment prêts pour faire face à un tel scénario. «Comme il y a une longue période entre chaque séisme, la population a tendance à oublier. Depuis 1946, il n’y a pas eu de rappel qui donne envie de se préparer. Pourtant, la question, aujourd’hui, ce n’est pas s’il va y avoir un tremblement de terre, mais quand.» Car, la spécialiste l’assure, la prévention est la seule clé que possède l’être humain face aux séismes. «Ils sont impossibles à prévoir. Tout se passe en quelques secondes et plusieurs catastrophes vont s’enchaîner», décrit-elle. Malgré tout, Anne Sauron se veut positive. «Les morts ne sont pas une fatalité. On sait qu’une bonne préparation peut sauver jusqu’à 30% de la population en plus. L’objectif du canton du Valais est de pouvoir revenir le plus rapidement possible à la normale.»

«J’ai déjà participé à cette formation donc mon kit de survie est déjà prêt à la maison. Parfois, mon entourage pense que je peins le diable sur la muraille, mais on verra bien qui a raison à la fin. On doit diffuser au maximum l’information, mais il n’est pas toujours facile de faire passer le message.»

Anne Curdy, 49 ans, responsable Santé publique pour l’état-major intercommunal de crise du Haut-Lac

Celle qui a vécu 20 ans aux États-Unis a été directement touchée par le tremblement de terre de 1994 à Los Angeles, qui avait atteint une magnitude de 6,7 et causé 72 morts. «C’est quelque chose qui m’a marquée, parce qu’il avait été très difficile de rassembler notre famille par la suite. Nous avions dû marcher trois jours pour rejoindre notre fils à son école», raconte-t-elle une fois la simulation terminée. Si la géophysicienne reconnaît qu’il est difficile d’imaginer les conséquences d’un séisme tant que l’on n’en a pas expérimenté un, elle regrette que le message de prévention soit encore si compliqué à faire passer en Valais. «Les gens peinent à comprendre que ce n’est pas de la fantaisie. Il faut que l’on se prépare, afin d’être le plus autonomes possible le jour J. En fonction de la gravité du séisme, il n’est pas impossible que les secours mettent plusieurs jours pour arriver dans certains endroits du canton.» Anne Sauron observe, tout de même, un changement de mentalité chez les Valaisans. «Il y a une dynamique qui s’est mise en place, depuis cinq ans, ils sont plus attentifs au fait qu’il va y avoir un tremblement de terre. Maintenant, ils doivent passer du savoir à l’action.» La spécialiste invite également les habitants des autres cantons à s’intéresser au sujet. «Ils vont aussi être impactés. Ils n’ont pas besoin de se préparer comme les Valaisans, mais un petit kit de survie dans la voiture, cela rend toujours service. Nous allons vers des situations écologiques changeantes, il faut être prêts.»