TEXTES: SAMANTHA LUNDER
PHOTOS: CHRISTIAN BONZON

Les accidents de la circulation impliquant des cyclistes sont en hausse. Pour les prévenir, Gérald Granger s’investit bénévolement auprès des enfants genevois.
Le cofondateur de PAV-Attitude organise, depuis deux ans, des parcours d’agilité gratuits à faire sur son vélo.
La semaine dernière, il se trouvait à la piste d’éducation routière de la police cantonale pour permettre à douze écoliers de s’exercer sur un tracé sécurisé.

Un virage puis un autre, les pneus crissent sur le bitume. À quelques mètres du prochain obstacle, Baptiste serre ses mains et freine sec. «Oh non, j’ai trop peur, je ne vais pas y arriver», lance l’écolier de 11 ans au moniteur. Devant lui, le «twist», une sorte de bascule en équilibre, qu’il doit traverser sur son vélo. Il passe une première fois à côté. «Allez, on essaie ensemble!» l’encourage Gérald Granger, en l’incitant à revenir quelques tours de roue en arrière. Il lui tient le bras, ils tentent le coup. Le vélo s’embarque sur la rampe et redescend de l’autre côté. C’est réussi. Baptiste affiche une mine soulagée et un grand sourire. «Je fais souvent du VTT, mais là, c’est stressant. C’est vraiment différent de passer sur ces obstacles.» Il en faudra quand même davantage pour l’effrayer, il repart directement pour un tour.
Dans cette halle de la brigade d’éducation et de prévention routière de Genève, douze enfants ont fait le déplacement cet après-midi-là. Ils sont ici pour faire du vélo, mais pas n’importe comment. Sous le regard attentif de Gérald, organisateur de l’activité, ils devront parcourir tout un gymkhana semé d’embûches. Celles-ci ont été spécialement pensées pour ressembler à celles que l’on pourrait trouver au quotidien dans la rue: une poutre creusée en guise de canalisation, un triangle allongé pour le trottoir et un cube avec quelques marches en guise d’escalier. Le but: confronter les jeunes dans des conditions quasi réelles aux difficultés qu’ils croiseront une fois lancés dans la circulation.

Savoir comment se comporter

C’est Gérald, 64 ans et aujourd’hui retraité, qui a eu cette idée. Pour amener davantage de sécurité sur la route, celui qui habite en France voisine a cofondé le programme PAV-Attitude en collaboration avec la Fondation Bruno Boscardin. Elle œuvre en Suisse romande pour le développement du cyclisme. «Je suis moi-même père, maintenant grand-père, et je me suis toujours demandé comment faire pour préparer les enfants à aller à vélo. Les conditions sur la route sont tellement complexes aujourd’hui. Cela me tient à cœur de m’investir pour protéger les jeunes cyclistes.» Il achetait ses premières planches en bois, il y a deux ans, pour fabriquer ses engins et est, aujourd’hui, sollicité par toutes les écoles du canton. Tout est fait dans son programme pour apprendre en s’amusant.

«Dans quelques années, quand vous serez sur la route en voiture et que vous croiserez un vélo, vous vous rappellerez que ce n’est pas toujours évident pour eux!» explique-t-il aux enfants en sortant de son sac un casque très abîmé, presque troué. Il demande: «Savez-vous à quelle vitesse cet accident s’est produit?» ‒ «Très, très vite!» répondent les enfants. Non. Il leur raconte qu’il a été victime de la chute en question et qu’il roulait lentement. «J’ai eu plusieurs accidents avec fractures, et deux amis se sont tués sur la route. Je leur montre ce casque pour leur dire: « Il peut vous sauver.»

«On ne sait jamais ce qu’il peut se passer»

Les enfants enfourchent leur bicyclette et s’élancent les uns derrière les autres. Le petit Yassin, 3 ans et demi, fonce à vive allure. «Moins vite!» tente de lui crier sa maman, Dominique Gugler, venue avec ses deux fils. «Pour le plus petit, c’est plus du divertissement, mais on ne sait jamais ce qu’il peut se passer dehors. C’est un bon début pour appréhender les dangers.» Un peu plus loin, c’est la première chute. Heureusement, le garçon ne s’est pas fait mal. «Finalement, quand il tombera plus tard, il ne sera pas surpris vu qu’il l’aura déjà vécu ici», lance le lieutenant Fabrice Tomasini, responsable de la brigade d’éducation et de prévention de Genève.
«Attention, attention!» nous crie Alyssa, 10 ans, en prenant un virage, avant de mettre pied à terre. «La toute première fois que je suis montée sur un trottoir, je suis tombée, je ne savais pas comment faire, raconte-t-elle. Maintenant que je sais, j’aurais envie d’aller en forêt, sur les cailloux, pour essayer!»

Apprendre par l’exemple

Pour les parents aussi, l’exercice rassure. «Aujourd’hui, c’est même dangereux de rouler à vélo sur les pistes cyclables. Mes enfants n’en font qu’autour de la maison», réagit Sébastien Naudion, de Chêne-Bourg (GE), un papa venu avec ses deux jeunes garçons de 6 et 8 ans. Pierre Gherard, papa également, confirme: «La route est dangereuse partout et, à cet âge-là, ils ne s’en rendent pas compte.»
Sans être moralisateur, Gérald préfère sensibiliser en montrant les bons gestes à adopter. Pour terminer les presque deux heures d’activité, l’organisateur incite les enfants à refaire le parcours, mais avec une seule main: «Pourquoi? Parce qu’il faut bien en lâcher une dans le trafic lorsqu’on veut indiquer la direction que l’on va prendre!»