TEXTES ET PHOTOS:
SAMANTHA LUNDER

Les chiffres le prouvent, nous sommes toujours plus atteints d’un nez qui démange au printemps ou d’une bouche qui picote à cause d’un aliment mal supporté.
Alors que trois millions de personnes, en Suisse, sont allergiques, nous avons rencontré Roxane Guillod, experte au Centre d’allergie suisse aha!, à Berne, seule fondation nationale spécialisée dans le domaine.
Elle nous parle de la façon dont la société essaie de s’adapter pour répondre aux besoins des allergiques.

Un rhume saisonnier, une gorge qui démange après avoir ingurgité un aliment ou des yeux qui coulent à cause de la poussière: les allergies sont aussi nombreuses que différentes. Pas moins de trois millions de Suisses sont concernés. À Berne, aha!, le Centre d’allergie suisse, répond quotidiennement aux interrogations de la population à ce sujet. Roxane Guillod, experte au sein de cette institution, nous explique les enjeux de ces atteintes allant de la simple gêne à un danger réel pour la vie.

Quelle place ont, aujourd’hui, les allergies dans le quotidien des Romands ?
Il est clair qu’on en parle de plus en plus. Cela est peut-être dû au fait que l’on observe une augmentation de la population allergique. Selon les chiffres, par exemple, seulement 1% des Suisses étaient atteints d’une allergie au pollen en 1900, contre 20% aujourd’hui. Cette hausse est prouvée, et l’allergie crée beaucoup de craintes chez celui qui en souffre. Il y a cette incertitude et l’angoisse face à la réaction qui peut être provoquée. Parfois elle peut être sévère et mettre la vie en danger. De ce fait, on se renseigne davantage et on en parle autour de nous pour éviter de mauvaises surprises.

Pouvons-nous expliquer pourquoi une personne sera plus atteinte qu’une autre?
Il faut savoir que tout le monde peut devenir allergique, même après de nombreuses années. Il y a des gens chez qui les premiers symptômes apparaissent à 70 ans! Pourquoi? On ne sait pas. Ce qu’on peut affirmer, c’est qu’on naît avec une prédisposition génétique qui donne ou non le potentiel de devenir allergique. Au-delà de ça, cela dépendra de nombreux facteurs environnants, de l’âge de la personne aussi, car les allergies évoluent au fil du temps et peuvent même disparaître soudainement.

Vous parlez de ce qui nous entoure, peut-on identifier ce qui a influencé cette croissance?
Même si on ne peut pas dire clairement pourquoi quelqu’un développe une certaine allergie, on a des pistes qui expliqueraient leur apparition. Les causes se situent dans notre mode de vie occidental. Le niveau d’hygiène est si élevé que notre système immunitaire est moins confronté à de véritables agents pathogènes et se défend donc contre des substances inoffensives. De plus, il y a les changements climatiques: les saisons sont plus longues aujourd’hui et les arbres provoquant ces allergies, comme le bouleau, le frêne ou le noisetier, apparaissent deux ou trois semaines plus tôt qu’il y a 30 ans, tout comme les graminées. La pollution est aussi un facteur irritant pour les voies respiratoires, qui deviennent plus sensibles.

Notre société est-elle adaptée à cette augmentation des allergènes?
Habituellement, c’est la personne allergique qui va prendre l’initiative d’informer son entourage de son allergie. Mais on voit que les gens cherchent l’information plus qu’avant. Au centre, nous proposons des formations et de plus en plus d’écoles ou de crèches font appel à nous pour former le corps enseignant par exemple. Dans la gastronomie aussi, notamment depuis que la loi a changé, en Suisse, en 2017. Désormais, les restaurants doivent indiquer, sur leur carte, si leurs plats contiennent l’un des quatorze allergènes les plus fréquents, ou alors être capables de le dire de vive voix. En ce qui concerne les plantes, un effort commence à être fait aussi par les villes. À Zurich, ils ont décidé de ne plus planter de bouleaux dans les rues, afin de diminuer la présence de l’allergène.

Est-ce que les types d’allergies ont aussi évolué avec le temps?
Oui, beaucoup plus de gens sont allergiques au pollen ou ont une intolérance alimentaire, mais on observe effectivement aussi l’apparition de nouvelles allergies, comme celle aux insectes mangeables. On a identifié que les personnes allergiques aux crustacés ont plus de risques de ne pas les supporter, car c’est une protéine similaire qui est la cause de la réaction. On découvre aussi l’allergie à la viande rouge, développée après
une piqûre de tique, ou celle aux noix de cajou, un aliment qu’on consommait peu jusqu’à aujourd’hui.

À voir ces différentes augmentations, devons-nous en déduire que nous sommes tous voués à être atteints d’une allergie dans les années à venir ?
Même si la hausse semble exponentielle, on ne peut pas affirmer que la tendance va continuer. Il est impossible, à ce jour, de généraliser et de dire que tout le monde va développer une allergie. Nous ne le saurons que dans quelques années.