TEXTE: FABIEN FEISSLI
PHOTOS: SAMANTHA LUNDER

Dentiste à Monthey, depuis sept ans, Cécile Launay reçoit une dizaine de patients chaque jour. Elle doit souvent faire preuve de psychologie pour gérer leurs inquiétudes.
La Valaisanne regrette l’image parfois négative dont souffre sa profession, notamment associée au mensonge et à la douleur. Elle assure que cette dernière a bien évolué.
Après avoir fui les dentistes durant plus de vingt ans, Jean-Daniel Nicolet s’est rendu chez la praticienne, cet été, pour refaire l’ensemble de sa dentition. Sa nouvelle prothèse est une vraie délivrance pour lui.

«On oublie souvent que
c’est physique d’être dentiste.
Il y a beaucoup de
problèmes de dos dans la profession.»

Cécile Launay, dentiste

Les gestes sont toujours les mêmes. La bavette autour du cou, la chaise qui bascule et la bouche qui s’ouvre. Ce rituel, Jean-Daniel Nicolet l’avait presque oublié. Durant plus de vingt ans, le quinquagénaire n’a plus mis les pieds chez un dentiste. La faute à un traumatisme à la sortie de l’adolescence. «Il m’avait tellement charcuté pour un traitement de racine que j’avais la trouille d’y retourner», raconte le Valaisan. Au fil du temps, sa dentition s’est donc détériorée, à tel point qu’il s’est retrouvé à mâcher avec les gencives. Au printemps dernier, poussé par sa femme, Sandrine, le Valaisan a décidé de prendre les choses en main et de surmonter sa peur. Il a trouvé auprès de la doctoresse Cécile Launay une oreille attentive. «La première fois, j’ai pris quarante minutes, juste pour lui expliquer ce qu’on allait faire et que la confiance s’installe entre nous», raconte celle qui exerce à la Clinique des Dents du Midi, à Monthey, depuis sept ans.
La dentiste a, ensuite, revu son patient une demi-douzaine de fois durant l’été pour lui retirer toutes les dents restantes et traiter les différents abcès. Un long processus qui touche enfin à son terme. «Maintenant, il a fait le pire. Bientôt, il va pouvoir sourire et manger.» En effet, Jean-Daniel Nicolet s’apprête à chausser sa toute nouvelle dentition. Une prothèse amovible faite sur mesure, adaptée à la forme de son visage et même à la couleur de sa peau. «Bien sûr, le patient est libre de choisir la teinte de son choix, mais, si c’est blanc lavabo, cela va se voir que c’est faux», précise la dentiste. Coût total de l’opération: environ 9000 francs.

«Il me faudrait le tournevis»

Cécile Launay se penche sur son patient et les choses sérieuses peuvent commencer. «Il me faudrait le tournevis», demande-t-elle à son assistante. Mais, si la première des deux vis servant à accrocher le bas de la prothèse se laisse faire sans résistance, la seconde se montre récalcitrante. «On oublie souvent que c’est physique d’être dentiste. Il y a beaucoup de problèmes de dos dans la profession parce qu’on est toujours plié en deux», pointe-t-elle tout en se contorsionnant pour essayer de trouver la meilleure position. Le regard braqué au plafond, Jean-Daniel Nicolet grimace et serre le poing sur le tissu de son short. «Vous avez mal? s’inquiète la médecin. Ce n’est pas normal. Cela ne sert à rien de s’acharner.»

La dentiste décide donc de faire une radio et d’appeler son collègue chirurgien pour lui demander conseil. Quelques minutes plus tard, elle revient avec une solution provisoire: «Visiblement, l’implant de ce côté n’a pas suffisamment cicatrisé. Je vais vous donner des antibiotiques et on va le laisser un mois tranquille.» Dans l’immédiat, elle propose au patient de revenir en fin d’après-midi pour fixer la prothèse sur une seule vis. Un léger contretemps qui ne gâche pas le plaisir du Valaisan. «Il y a l’aspect esthétique, c’est sûr, mais je me réjouis surtout de pouvoir mâcher correctement.» Il s’interrompt une seconde, avant de reprendre: «Cela change même le son de ma voix. Il va falloir que je réapprenne à parler.»

«Le pire, ce ne sont pas les odeurs»

Son premier client de l’après-midi parti, Cécile Launay n’a pas le temps de souffler. Déjà, un retraité se présente avec une douleur dans une dent. «En moyenne, je vois une dizaine de patients par jour. Ce qui est intéressant dans ce métier, c’est que c’est très varié. On fait autant de l’esthétique, de la chirurgie que des caries», détaille celle qui s’est intéressée à ce travail dès le moment où elle a dû porter un appareil dentaire à l’adolescence. Une vocation qui a parfois interrogé dans son entourage. «On me demande souvent comment je peux avoir envie de mettre mes doigts dans la bouche des gens. Mais, moi, je suis tellement concentrée sur la dent que je ne vois plus la personne.» La dentiste apprécie également l’aide qu’elle peut apporter aux gens qui passent sa porte. «Quelqu’un vient avec une douleur, on peut tout de suite le soulager. Pour nous, c’est une gratification instantanée. L’important, c’est de leur redonner le sourire.»
La Valaisanne reconnaît, pourtant, que son métier n’est pas toujours rose. «Parfois, c’est un vrai challenge. Il y a le patient lambda et il y a celui dont l’hygiène laisse à désirer. Mais le pire, ce ne sont pas les odeurs, c’est de gérer le stress des gens», assure-t-elle. Car des patients effrayés par les dentistes comme Jean-Daniel Nicolet, Cécile Launay en croise régulièrement. «Certains de mes prédécesseurs ont traumatisé les jeunes. Avant, ils ne faisaient pas toujours preuve de psychologie avec les enfants.» Des pratiques qui ont valu au métier une image plutôt négative. «C’est vrai que nous ne sommes pas très populaires. On a souvent l’image du dentiste tortionnaire et menteur.» La médecin affirme, pourtant, que le métier a bien évolué. «Nous ne sommes plus au Moyen âge, c’est fini le temps où on a forcément mal chez le dentiste.»