TEXTES: FABIEN FEISSLI
PHOTOS: MURIEL ANTILLE

Moniteur de fitness depuis dix ans, Geoffrey Tock enchaîne parfois quatre ou cinq cours intensifs dans la même soirée. Un exploit rendu possible par une hygiène de vie irréprochable.
De quoi impressionner certains participants qui sortent lessivés et voient leur prof enquiller une nouvelle session, toujours à fond.
S’il aime le sport, le Neuchâtelois assure, pourtant, qu’il ne fait pas ce métier pour lui-même, mais pour le plaisir d’aider les autres à atteindre leurs objectifs.

Àchaque saut, de petites gouttelettes de sueur s’échappent de ses genoux et s’écrasent sur le sol. Au fil des minutes, elles se multiplient sur le parquet de la salle du fitness Let’s Go de Cortaillod (NE). Dos aux miroirs géants, faisant face à une douzaine de participants – presque exclusivement des femmes – Geoffrey Tock ne ménage pas ses efforts. Mimant des coups de poing et de pied, le moniteur accentue l’énergie de chacun de ses mouvements, incitant ceux qui suivent son cours de Body Combat à en faire autant. «Si, moi, je ne me donne pas à 200%, les gens ne vont pas se donner à 100%. Donc je fais le max à chaque fois», assure le Neuchâtelois, qui vient d’être nommé gérant de la salle.
À le voir se démener sur la petite estrade, on peine à croire qu’il s’agit déjà de sa troisième session de la journée et qu’il lui en reste encore deux à assumer. Car, s’il a pu profiter de son travail à l’accueil pour se remettre de son cours de Body Attack de midi, ce soir, c’est bien quatre séances que Geoffrey doit enchaîner entre 17 h 45 et 20 h. Au plus grand étonnement des participants. «On se demande tous comment il fait. Pour moi, c’est Superman», assure Christine. «À la fin du cours, on est mort et, lui, il continue, il saute partout!» rigole une autre habituée. Assise à l’entrée de la salle, Laetitia tempère: «Bon, c’est son travail. Plus tu en fais, plus ton corps s’adapte. Mais c’est vrai que, lui, il est particulièrement toujours à fond. Cela amène de l’énergie au groupe, on va essayer de se surpasser pour le suivre.» Des efforts qui valent la peine à écouter Débora: «c’est le meilleur, grâce à ses entraînements, j’ai perdu 18 kilos en sept mois après mon accouchement», se réjouit-elle.

«C’est une machine de guerre»

Même l’ancien gérant de la salle, Jérémy Decastel, est impressionné. «Cela n’a l’air de rien, mais vous dépensez énormément de calories. Ce sont des efforts très violents», décrit le responsable régional. Celui qui donnait au maximum deux cours par jour assure que Geoffrey a le physique d’un sportif d’élite. «Même pour un prof de fitness, il est hors du commun. C’est une machine de guerre.» Le principal intéressé préfère relativiser. «C’est vrai que c’est très cardio, mais les deux sessions d’abdominaux, je ne les compte pas, ce sont des cours plaisir.» À tel point qu’il n’hésite pas à se considérer «en vacances» avec ses quinze heures de cours hebdomadaires. «En France, j’avais vingt-deux heures par semaine. Là, je sentais davantage la fatigue. Le week-end, je ne pensais qu’à un truc, me reposer.»

«Mon corps, c’est mon outil de travail, je ne veux
pas l’esquinter.»

Geoffrey Tock, moniteur de sport

Une cadence infernale que son corps n’a finalement pas supportée. «Une semaine à 25 heures, je me suis déchiré l’ischio-jambier (réd: muscle situé derrière la cuisse). C’était un signal d’alerte. À ce moment-là, j’ai demandé à diminuer le rythme», raconte-t-il. Aujourd’hui, le Neuchâtelois a appris à se gérer. «Si je me sens fatigué, je vais me modérer. Mon corps, c’est mon outil de travail, je ne veux pas l’esquinter.» Depuis dix ans dans le métier, le trentenaire espère pouvoir continuer le plus longtemps possible. Il fait donc particulièrement attention à son hygiène de vie, ne fumant pas et buvant rarement. «Je mange aussi beaucoup de légumes, de protéines, de graines et très peu de féculents.» Malgré tout, il sait que beaucoup de ses collègues arrêtent en vieillissant, notamment à cause du rythme. «Derrière, ils vont faire du coaching personnel, mais c’est plus une solution de secours en attendant de trouver une véritable reconversion.» Geoffrey espère, lui, pouvoir continuer jusqu’à la retraite, car il adore son métier. «Je ne fais pas ce job pour moi. Ce que j’aime, c’est me sentir utile et pouvoir apporter quelque chose de meilleur aux gens. Les aider à atteindre leurs objectifs.»
Une philosophie qu’il applique également aux apprentis qu’il forme. «Je suis très exigeant avec eux. Je veux qu’ils fassent toujours bien, pas pour eux, mais pour les autres», détaille-t-il. Lui qui a pratiqué le tennis, le handball, le basket, l’haltérophilie, le football et la boxe avant de se mettre au fitness, d’abord comme client, affirme qu’être passionné de sport ne suffit pas pour devenir moniteur. «Il ne faut pas faire ce métier si vous voulez juste être musclé. Les gens ne se rendent pas forcément compte de tout le travail que cela implique», souligne Geoffrey. Il doit notamment mémoriser sept chorégraphies différentes qui changent tous les trois mois. «Le soir, après les cours de la journée, il faut encore les réviser tout seul dans son salon.» Autre qualité indispensable donc, avoir le sens du rythme. «On fait également un métier d’image, il faut avoir un rôle de modèle et tenir la route physiquement.» Une qualité que le Neuchâtelois possède à n’en pas douter. «J’ai eu le temps de récupérer pendant que les gens installaient leurs vélos», sourit-il avant de lancer le cinquième et dernier cours de sa journée.