TEXTES: JASON HUTHER
PHOTOS: DAVIDE BURANI

 

Guillaume Kaufmann aime montrer ce que personne ne prend le temps de voir. Des flocons de neige, de minuscules fleurs ou des paysages.

Tel un chasseur, à l’aube et au crépuscule, il traque de son œil exercé les instants magiques durant lesquels la nature se sublime.

L’adage dit: «Nul n’est prophète en son pays.» Des milliers de Chinois ont vu son travail, mais le photographe chaux-de-fonnier, reste, en Suisse, méconnu.

Guillaume Kaufmann est à l’affût. Tantôt s’accroupissant, tantôt sur la pointe des pieds, il rôde autour d’un arbuste noir de jais sur lequel des centaines de petites fleurs ont éclos. Soudain, il s’arrête. «Il y en a peut-être une ou deux de bonnes, et je crois que celles-ci feront l’affaire», raconte-t-il. Galurin vissé sur la tête et simple col roulé sur les épaules, malgré les petits 8 degrés de ce début de matinée, le trentenaire déplie son pied et ajuste l’appareil. Dans l’objectif, ses victimes apparaissent: deux minuscules fleurs dans leur majesté naturelle. «J’aime amener aux gens ce qu’ils ne peuvent pas voir», sourit le photographe amateur. Ce qu’il fait, là, les pieds dans l’herbe trempée s’appelle de la macro: prendre l’image de quelque chose de tout petit et le donner à voir en grand. «C’est au poil de cul si on veut un truc bien», le chasseur attend que la brise cesse de faire vibrer les branches. «Je cherche à avoir un arrière-fond uni et blanc, formé par les autres fleurs. J’ai envie que ça ressemble à un monde imaginaire.»
Oui, mais un univers qui ne serait pas créé en studio. Guillaume aime photographier et magnifier la nature en dénichant le bon lieu, en attendant le bon moment, la bonne lumière et surtout… la météo favorable: «Je regarde l’application Météosuisse toutes les heures!» La nature, ce grand gaillard qui a grandi à la campagne aime la raconter. Alors qu’il descend vers la ferme familiale, sise au Bas-Monsieur, dans la campagne chaux-de-fonnière, Guillaume, explique: «Le moment est bien plus important que le lieu.» Ainsi, ce matin-là, les fleurs ont toute son attention, mais l’hiver ce sont les flocons de neige qu’il traque (lire encadré).

Bien qu’il apprécie tout ce qui est minuscule, le trentenaire prend un plaisir tout particulier à sublimer les paysages de sa région. Surtout à l’aube. «J’aime les lumières à cette heure-là.» Mais vadrouiller aux aurores et être jeune papa, c’est compatible? «Je reviens à 7h30 avec les croissants et tout le monde est content (rires)!» Ensuite, ce doctorant en lettres à l’Université de Neuchâtel part au boulot. Eh oui, la photo, c’est un hobby. Et pourtant ses images de paysages, peu connues en Suisse, ont été vues par des milliers de… Chinois.

 

«J’aime amener aux gens ce qu’ils ne peuvent pas voir.»

Guillaume Kaufmann, photographe amateur

 

Nul n’est prophète en son pays

Arrivé à sa voiture, Guillaume, qui veut aller jeter un œil à une combe dans laquelle la rivière la Ronde s’écoule, démarre le moteur et les explications. «Ma future femme et moi, on était au marché et on a croisé le Consul de Suisse à Hong Kong», raconte-t-il. Un long voyage en Asie était en préparation et le couple avait des tas de questions. De fil en aiguille, le diplomate suit Guillaume sur le réseau social Instagram. Il y découvre les photos saisies lors de ce fameux voyage. Entre-temps, le fonctionnaire a été muté à Chengdu, capitale du Sichuan. Dans cette région, la Suisse ne dit rien à personne. Pour y remédier, le Consul contacte Guillaume. L’idée? Créer des diptyques: une photo prise en Chine et une en Suisse qui soient semblables. L’expo s’est installée, l’an dernier, dans un temple de la ville de Dujiangyan, visité par des milliers de touristes chinois. Télévision et médias locaux s’empressent de parler du photographe suisse.

 

FIN