TEXTES: RODOLPHE HAENER
PHOTOS: GENNARO SCOTTI

 

De plus en plus d’enfants choisissent d’apprendre les secrets de la programmation informatique et de la robotique lors de leur temps libre.

Les cours proposés par l’entreprise Futurekids permettent aux enfants de ne pas demeurer passifs face aux technologies. Ils peuvent se les approprier, de l’intérieur, dès le plus jeune âge.

Combat de robots, parcours d’obstacles à travers les volcans, à Lausanne, le dernier cours avant les vacances a été animé.

«Mon jeu s’appelle Ninjago. Il faut passer d’un niveau à l’autre en sautant par-dessus les obstacles et en évitant de tomber dans la lave volcanique!» Volcanique, rien que ça! Xavier, 9 ans, qui habite à Vers-chez-les-Blanc (VD), semble fabriquer des jeux vidéo, certes encore sommaires, depuis qu’il est né. Dans les locaux de Grancy (Lausanne), il renchérit: «Je peux programmer la diffusion d’un son quand le personnage tombe dans la lave.» Vraiment? L’apprenti programmeur arpente alors une bibliothèque sonore virtuelle, sur son ordinateur, et tombe sur un fichier nommé «Scream». Deux ou trois manipulations plus tard, Xavier montre le résultat: lorsqu’on tombe dans la fameuse lave, un son se déclenche automatiquement: «Aaah!» Ça marche!

D’abord implantée à Genève et à Lausanne, l’entreprise Futurekids, qui propose des cours aux enfants de 5 à 16 ans, est désormais présente à Neuchâtel, à Sion, à Fribourg et à Nyon. Bientôt, elle franchira la Sarine pour Berne, Bâle et Zurich. L’engouement des enfants pour la technologie n’est plus à démontrer et la structure romande, avec près de 1000 gamins inscrits, fait figure de pionnière. «Il y a certes, en Suisse, des institutions qui proposent des stages de programmation pendant les vacances, comme nous le faisons également, mais nous sommes la seule école qui donne des cours chaque semaine», explique d’emblée Caroline Weber, directrice de Futurekids. Une Sàrl qui a racheté, en 2011, la marque alors basée à Genève et à Lausanne. «Nous désirons que les enfants ne soient pas passifs face aux technologies. Au lieu de consommer simplement des jeux, ce que nous ne leur interdisons évidemment pas de faire, nous leur proposons d’en fabriquer. Ils apprennent ainsi les fondamentaux et saisissent l’envers du décor», poursuit Caroline Weber.

Un peu plus loin, trois joyeux adolescents, chacun devant son ordinateur, mais n’hésitant pas à s’interpeller régulièrement, fabriquent leur propre jeu de plateforme. Grégory, 13 ans, explique: «C’est un jeu en 3D où le personnage doit trouver un avion lui permettant de s’évader de l’île sur laquelle il se trouve abandonné.» Grégory construit son jeu sur le logiciel Unity, lequel a servi au développement de blockbusters du genre (Assassin’s Creed, etc.). «Les élèves partent tous d’un espace en trois dimensions vide qu’ils doivent remplir d’objets et de personnages, puis de scripts informatiques. Il leur faut aussi scénariser la partie et, pour cela, faire preuve d’imagination», détaille Alexandre Savoy, enseignant. Lequel ajoute: «Ils voient ainsi tout le travail qui se cache derrière un jeu vidéo.» Pendant que Grégory ajoute des arbres à son île, Oscar, 15 ans, qui fignole le pouvoir de nuisance du méchant de son jeu, confie: «J’ai fait un stage pendant les vacances d’été, l’an dernier, et j’ai trouvé vraiment bien. Du coup, je me suis inscrit aux cours.» À ses côtés, Mattia, même âge, explique avoir privilégié un jeu de plateforme en deux dimensions pour des raisons concrètes: «J’aime pouvoir travailler mes projets également à la maison. Seulement, chez moi, mon ordinateur n’est pas assez puissant pour la 3D.» Alexandre Savoy confirme: «Pour la création d’un jeu, il faut un ordinateur généralement deux fois plus puissant que celui qui servira à jouer.» C’est que, si l’imagination est importante, le matériel l’est aussi.

La guerre des robots

À l’autre bout de la salle, Davide et Gabriel, tous deux âgés de 8 ans, s’apprêtent à défier Dylan et Bruno, 13 ans, à coups de robots. Chaque binôme prépare sa petite voiturette munie de capteurs à ultrasons. «Quand un obstacle apparaît à 20 centimètres du capteur, il donne l’ordre à la voiture d’accélérer pour mieux s’encastrer dans la voiture concurrente», explique Davide. S’affronter donc, mais selon quelles modalités? Enseignante, Félicie Scherrer va à leur rencontre: «Il va falloir que vous vous mettiez tous d’accord sur les règles du jeu!» Après un rapide conciliabule, on pose deux morceaux de scotch séparés de un mètre et demi au sol et on avise: «La voiture qui poussera son adversaire derrière sa propre ligne aura gagné!» La partie peut commencer, mais Félicie Scherrer s’interpose de nouveau en riant: «Davide et Gabriel, vous avez deux moteurs sur votre robot, c’est pas permis!» Surpris par cette accusation de tricherie, Davide et Gabriel se confondent en excuses: «On n’avait pas vu, c’était dans la boîte des pièces à utiliser!» Ces détails étant clarifiés, la partie peut débuter. Et s’achever par un match nul. La seconde partie également. Puis la troisième. Décevant… De fait, les robots ne sont pas aussi performants que prévu. Chacun retourne à son ordinateur pour fignoler ses réglages et repenser le plan d’attaque. Quelques minutes plus tard, la partie peut reprendre. Cette fois-ci, c’est la bonne: la voiture de Davide et Gabriel a déporté celle de Bruno et Dylan derrière leur ligne. Victoire!

 

«Nous désirons que
les enfants ne soient
pas passifs face
aux technologies.»

Caroline Weber, directrice de Futurekids

 

Mais l’heure tourne et déjà les silhouettes des parents apparaissent devant l’entrée. «La programmation, c’est le futur de nos enfants! Et ils adorent ça!» confie une mère de famille. Du haut de ses 9 ans, Xavier ne cache pas ses intentions: «J’aimerais devenir informaticien pour corriger les bugs qui apparaissent sur les ordinateurs. C’est tellement agaçant!» Gregory, qui configure l’avion permettant de quitter l’île de son jeu, semble quelque peu contrarié: «C’est plus compliqué que ce que je pensais. Il va falloir que je trouve une solution…» Chacun charge alors son jeu sur une clé USB pour poursuivre la création à la maison. En quittant ce dernier cours du semestre, tous les élèves ont au moins une certitude: revenir après les vacances d’été.

FIN