TEXTES: FABIEN FEISSLI
PHOTOS: CYRIL ZINGARO

 

Infirmière à domicile sur la Riviera vaudoise, Betty Bertrand visite une dizaine de patients, chaque jour, pour les aider dans leur quotidien.

Au-delà des soins, ces visites médicales permettent de soulager les proches et d’animer la journée des personnes les plus isolées.

Passionnée par son métier, la jeune femme souligne à quel point il lui est difficile de ne pas s’inquiéter pour ses patients une fois sa tournée terminée.

Sa mallette médicale à la main, Betty grimpe les trois étages à pied, toque à la porte et entre sans attendre de réponse. «Bonjour», s’annonce-t-elle en retirant ses chaussures à l’entrée du couloir. Seule une musique douce lui répond. Betty s’avance dans le salon, dépose ses affaires et jette un coup d’œil dans la chambre. «Il est en train de faire pipi», explique-t-elle. Il, c’est Sadek, 49 ans, un patient atteint de trisomie depuis sa naissance et qui vit, désormais, avec sa sœur au centre-ville de Vevey (VD).
«Au début, j’étais un peu mal à l’aise d’entrer comme ça chez les gens, je ne savais pas où me mettre. Il m’a fallu un peu de temps pour trouver ma place», raconte l’infirmière qui a travaillé cinq ans dans différentes cliniques françaises avant de se spécialiser dans les soins à domicile au sein de l’entreprise Soins Riviera.

Soulager les proches

Désormais, elle apprécie ce changement de décor. «Ici, la relation avec le patient est beaucoup plus forte. À l’hôpital, nous sommes en blouse blanche, on joue sur notre terrain. Alors que, quand les gens nous ouvrent leur intimité, c’est à nous de nous adapter», décrit la jeune femme en pénétrant dans la chambre de Sadek. Après l’avoir salué, elle s’éclipse rapidement pour préparer le petit-déjeuner. Au total, elle a une heure à consacrer à ce premier rendez-vous de la journée. «Je suis là pour lui faire prendre ses médicaments et lui faire manger quelque chose. Comme c’est assez long, cela permet de soulager sa sœur, qui peut faire autre chose pendant ce temps.»

Justement, celle-ci apparaît, au téléphone avec un médecin. «Pour moi, c’est un gros soutien, je ne me verrais plus vivre sans. Là, je suis tranquille, il est entre de bonnes mains», explique-t-elle après avoir raccroché. Celle qui a recueilli son frère au décès de leurs parents raconte avoir dû quitter son travail pour s’occuper de Sadek. Aujourd’hui, grâce au soutien des équipes de Soins Riviera, elle espère pouvoir reprendre rapidement une vie professionnelle. «Mais cela va au-delà des soins médicaux, c’est aussi un soutien psychologique important pour nous. Quand j’ai un problème, je sais que je peux compter sur eux.»
De retour dans la chambre, Betty s’assied en tailleur aux côtés de son patient et lui fait sentir une cuillère de yogourt aux myrtilles. Le quadragénaire hésite une seconde avant d’ouvrir la bouche. Le déjeuner et les médicaments avalés, l’infirmière passe aux soins du visage. Avec douceur, elle nettoie le nez et les yeux de Sadek puis lui applique de la crème hydratante ainsi que du baume à lèvres. «C’est une manière d’instaurer un contact physique et d’établir une relation de confiance.»

Une dizaine de patients par jour

Car, Betty le reconnaît sans peine, les différentes personnes qu’elle visite régulièrement sont plus que de simples patients pour elle. «Nécessairement on s’attache et on s’inquiète pour eux. Si je sais qu’ils ne vont pas bien, je vais me faire du souci, même une fois rentrée à la maison. J’ai encore un peu de mal à prendre du recul», souligne-t-elle tout en listant sur sa tablette les différentes prestations qu’elle a fournies. Une tâche administrative qui lui prend plusieurs minutes et la met en retard pour son rendez-vous suivant. «En moyenne, je vois une dizaine de patients par jour, donc c’est souvent la course, surtout avec tous les déplacements.»

 

«Quand les gens nous ouvrent
leur intimité, c’est à nous de nous adapter.»

Betty Bertrand, infirmière chez Soins Riviera

 

Justement, la jeune femme prend la direction de Blonay (VD). Dans les hauteurs de la commune, elle immobilise son véhicule. Devant le portail d’une grande maison familiale. Là encore, elle frappe et entre sans attendre. À l’intérieur, elle retrouve Ilse, 97 ans, et son chien, «Jerry». À l’origine, la presque centenaire n’était pas forcément ravie de devoir accepter de l’aide à la maison. «Normalement, je devrais être en EMS. Mais, grâce aux soins à domicile, je peux rester chez moi, donc je m’y suis faite.» Pour elle, Betty et ses collègues sont un contact quotidien qui permet de s’assurer que tout va bien. «Certains patients sont vraiment seuls et n’ont pas beaucoup de liens avec l’extérieur. Nous sommes un peu leurs anges gardiens», détaille l’infirmière.
Tandis qu’elle installe sa patiente dans la salle de bains pour lui changer ses pansements, celle-ci lui raconte une anecdote inquiétante. «L’autre jour, il y a un homme qui est entré chez moi. J’ai dû lui donner un billet de 50 francs pour qu’il reparte.» La jeune femme garde le sourire jusqu’à la fin de la visite, mais, de retour au portail, elle laisse échapper son inquiétude. «Je vais devoir prévenir mes responsables, cette histoire me préoccupe», soupire-t-elle avant de regarder sa montre. Elle fronce les sourcils. «Désolée, je dois y aller, je suis en retard.»

FIN