TEXTES: FABIEN FEISSLI
PHOTOS: SEDRIK NEMETH

 

Président de la Société d’apiculture du district de Monthey (VS), Christophe Berthoud possède 27 ruches à Troistorrents (VS). Quand il les a rouvertes, à la fin de l’hiver, une seule contenait encore des abeilles.

Au total, 96% de ses colonies ont disparu. Depuis dix ans qu’il se passionne pour le domaine, le Valaisan n’a jamais vécu ça.

Un phénomène qu’il peine à comprendre et qui l’inquiète pour l’avenir..

Avant d’ouvrir la ruche, Christophe Berthoud toque contre le bois. «C’est une question de respect, c’est une manière pour moi de leur dire que quelqu’un va entrer chez elles», explique le Valaisan. Sous le couvercle en bois, des milliers d’insectes s’agglutinent sur les cadres en cire. Une vision que le président de la Société d’apiculture du district de Monthey (VS) aurait sans doute aimé avoir, en janvier dernier, quand il a rouvert ses colonies après l’hiver. «Dans vingt-six de mes 27 ruches, je n’ai retrouvé que la reine et quelques abeilles mortes de froid. Toutes les autres avaient disparu», raconte-t-il. Une découverte qui a touché celui qui se passionne pour le domaine depuis plus de dix ans. «C’est un peu une catastrophe. Tu as investi du temps, de l’énergie et de l’argent. Et, du jour au lendemain, tu n’as plus rien.» Car Christophe Berthoud a fait ses calculs, au total, il a perdu 96% de ses colonies. Une statistique qui le préoccupe d’autant plus qu’il n’est pas le seul dans la région. «J’ai un collègue de Vionnaz (VS) qui a des chiffres identiques. Habituellement, après l’hiver, cela tourne plutôt autour de 30 à 50%.»

 

«Ce qui est frustrant,
c’est que j’ai mille questions,
mais aucune réponse.»

Christophe Berthoud, apiculteur à Monthey (VS)

 

Selon l’apiculteur, ce phénomène a un nom, le syndrome d’effondrement des colonies. Même s’il reste encore inexpliqué, plusieurs pistes sont avancées. «Pour moi, le suspect principal, c’est le varroa, un petit parasite qui inocule des virus aux abeilles. Normalement, elles retrouvent la ruche à 20 centimètres près, mais là, leur système nerveux a dû être perturbé et elles ont été incapables de revenir», avance Christophe Berthoud. Il reconnaît, toutefois, n’avoir aucune certitude. «Ce qui est frustrant, c’est que j’ai mille questions mais, aucune réponse. Je trouve qu’on n’est pas assez aidé par les services sanitaires. Ils ne sont même pas venus chez moi pour essayer de comprendre ce qu’il s’est passé», regrette-t-il.

«On se sent désarmés»

Surtout que, année après année, le président de la Société d’apiculture de Monthey observe une augmentation des pertes dans les ruchers. «Cette fois-ci c’était moi, et l’an prochain ce sera peut-être un de mes collègues. Mais ce n’est pas un épiphénomène, c’est quelque-chose de généralisé qui va en s’intensifiant. On se sent désarmé», affirme-t-il. Une situation qui préoccupe le Valaisan pour l’avenir. «Certains apiculteurs sont dépités. Si cela se répète, à force, ils vont laisser tomber.» D’autant plus que d’autres menaces pointent le bout de leur nez, notamment le fameux frelon asiatique, capable de détruire une colonie en quelques heures. Grâce aux apiculteurs français, Christophe Berthoud suit avec attention la progression de l’insecte. Selon les derniers pointages, celui-ci remonte actuellement la vallée du Rhône en direction de la Suisse.
Dans ce contexte, le Valaisan pointe la difficulté de motiver des nouveaux à se lancer. «S’il y a moins d’apiculteurs, il y aura moins d’abeilles. C’est inquiétant pour la pollinisation, et cela va forcément impacter les producteurs de fruits et de légumes.» À ses yeux, la société n’a pas conscience des conséquences d’une telle situation. «Il y a de fortes chances pour que cela ait une influence très important sur l’humanité.» De son côté, il n’a d’ailleurs pas hésité avant de racheter des colonies pour regarnir ses ruches. Aujourd’hui, quatorze sur vingt-sept sont de nouveau occupées. «Je suis en formation d’apithérapeute (lire encadré) et j’aimerais utiliser les produits de mes abeilles», explique Christophe Berthoud. Nul doute que la passion n’ait également été un moteur important. «Dès qu’on met le nez dedans, on se prend au jeu. C’est impressionnant de voir comment elles s’organisent pour que la colonie survive le plus longtemps possible. On a encore beaucoup de choses à apprendre.»

FIN