TEXTES : FABIEN FEISSLI
PHOTOS : DAMIAN MALLOTH

Le 14 juin prochain, les femmes sont appelées à se mettre en grève pour dénoncer les discriminations dont elles sont victimes. Mais, en 2019, y a-t-il suffisamment de raisons pour justifier une telle démarche? Micro est allé poser la question dans le village de Penthalaz (VD).

Cet article est issu de la première édition du nouveau journal romand : Micro. Pour découvrir notre projet: www.microjournal.ch

 

À mi-chemin entre Lausanne et Vallorbe (VD), Penthalaz est «un petit village tranquille» selon les personnes rencontrées sur place. Quelques commerces, une polyclinique et une gare CFF partagée avec Cossonay. Selon la légende, si ses habitants sont surnommés les “Cancaniers”, c’est parce que les femmes aimaient tout particulièrement jaser. Un village marqué par ses femmes donc et dont la célébrité locale est également de sexe féminin: Madeleine Chamot-Berthod, première Vaudoise à remporter une médaille d’or olympique en ski alpin.

 

«JE SUIS PESSIMISTE POUR CETTE GRÈVE»

 «Je partage leur ressenti, il y a beaucoup de raisons de vouloir faire grève. C’est déplorable que nous ne soyons pas sur un pied d’égalité. Ça me révolte qu’elles bossent autant mais qu’elles soient payées moins. Par contre, si après tout ce temps l’égalité n’est toujours pas là, je ne suis pas sûr que cette grève servira à quelque chose. Il y a quelques années, j’ai participé à une marche à Lausanne et cela n’a rien changé. Mais j’espère être surpris.»

Michael Trocchio, 30 ans, mécanicien de précision

«IL Y A AUSSI DES INÉGALITÉS DANS L’AUTRE SENS» 

«À mes yeux, c’est justifié ! Il y a eu des améliorations par rapport aux conditions d’avant,
mais c’est encore trop présent dans les esprits que la femme est inférieure, que c’est elle qui reste à la maison et qui s’occupe des enfants. Même si, dans ma génération, cela commence à changer. D’ailleurs, dans certains cas, les femmes sont davantage protégées que les hommes. Par exemple en ce qui concerne les divorces. Moi, je ne ferai pas grève, je ne travaille qu’avec des hommes et ils me traitent comme un princesse.»

Gwen Moduli, 31 ans, secrétaire

«LES HOMMES SONT BIEN LOTIS»  

«Elles ont raison de vouloir faire grève. Quand elles rentrent à la maison après le boulot, c’est encore elles qui doivent s’occuper du ménage et de la nourriture. Bon, chez nous, c’était l’inverse. Ma femme a été syndic de Penthalaz pendant dix ans, elle n’était jamais là, donc il a fallu que j’agisse. Sur la question des salaires et de la répartition des tâches, je comprends la grève. Après, en ce qui concerne le harcèlement sexuel, je ne suis pas sûr que cela soit la bonne solution. Il faudrait trouver une autre manière d’agir.»

Christian Charrotton, 67 ans, retraité

« LES FEMMES DEVRAIENT OSER DAVANTAGE» 

«Pour moi cette grève est totalement légitime, j’espère qu’elle pourra faire bouger les choses! Par exemple, je suis maman au foyer et mon travail n’est pas du tout reconnu. On a l’impression que je suis celle qui ne fait rien alors que, certaines fois, je vous promets qu’on préférerait aller bosser. On est aussi considérées comme des objets sexuels. Vous voyez souvent des hommes qui se font siffl er dans la rue? À l’inverse, une femme qui drague, on va dire: «celle-là, elle est chaude.»

Corine Rime, 44 ans, femme au foyer

«CELA N’ABOUTIRA À RIEN»

«Nous ne sommes pas vraiment convaincus par cette grève. Cela attire l’attention, mais ne va pas régler le problème. Les lois existent sur le sujet. Ce qu’il faut maintenant c’est les appliquer. C’est plutôt un débat social, il faudrait prendre le temps de s’asseoir autour d’une table et discuter pour trouver des solutions. L’important, c’est de sortir de cette opposition hommes-femmes. En fait, en Suisse, il y a plutôt un problème entre les riches et les pauvres.»

José Feijoo, 61 ans, employé postal
et Nicole Favre, 58 ans, femme au foyer