TEXTES ET PHOTOS: Samantha Lunder

Active partout en Suisse romande, la fondation As’trame accompagne les personnes vivant un bouleversement profond de leurs liens familiaux. Il peut s’agir d’un deuil, d’une séparation ou de la maladie d’un proche.

Nous avons rencontré Sébastien Velen, coordinateur et intervenant, à Sion, pour comprendre comment il accompagne des enfants dont les parents ont décidé de se séparer.

Souvent au cœur d’un conflit, le mineur a besoin de savoir comment trouver sa place. Quant aux parents, ils doivent apaiser au mieux les tensions pour préserver l’équipe parentale.

 

Quand un couple se sépare et que des enfants sont au milieu, il est parfois difficile de savoir comment agir correctement. La fondation romande As’trame, dont une antenne est basée à Sion, s’engage pour aider ces familles à retrouver une nouvelle dynamique. Intervenant psychosocial dans le domaine, Sébastien Velen nous explique tout ce qui entre en jeu lors d’un tel parcours de vie.

Quels sont les enjeux d’une séparation lorsqu’un couple a des enfants?
Se quitter crée une grande incertitude, autant financière que relationnelle. Tout ce qui peut toucher l’ex-couple, comme les souffrances ou l’incompréhension, aura automatiquement un impact sur l’ensemble de la famille.

Ce qu’il est primordial de différencier, c’est le rôle du couple en parallèle à ce- lui de l’équipe parentale: du moment que l’on se sépare, on n’a plus forcé- ment envie de faire les efforts qu’on faisait pour l’autre et, parfois, cela diminue aussi ceux que nous faisons ensemble pour les enfants. C’est justement sur cela qu’il faudra travailler: on reste une équipe parentale toute une vie, ce n’est pas comme lorsqu’on quitte un métier pour rejoindre de nouveaux collaborateurs et que tout change. Là, on n’a pas le choix.

Que dire des premiers éléments qui ressortent lorsque les familles arrivent ici?
Ceux qui poussent notre porte sont des parents qui se font du souci pour leurs enfants et qui aimeraient un espace d’écoute, en toute neutralité. Il y a souvent aussi un besoin de gérer les choses dans le couple. Notre focus est mis sur l’enfant, mais cela inclut des séances de soutien à la coparentalité pour aider le couple à trouver comment faire ensemble le meilleur parcours possible. On ressent une inquiétude de leur part, car il y a de nouvelles adaptations à mettre en place au quotidien et ils veulent bien faire pour ne pas blesser leurs enfants.

«J’ai à coeur de leur expliquer que le parent a mis fin à la relation amoureuse, mais qu’il n’abandonne pas ses enfants.»

Sébastien Velen, intervenant psychosocial

Y a-t-il des choses que ces parents expriment de façon récurrente?
Sans vouloir faire de clivage, je vois souvent des mamans qui ont le souci que le bien-être de leur enfant soit respecté chez leur père; elles ont la crainte de ne pas savoir comment ça va se passer une fois qu’il se retrouvera seul chez lui. Et, de l’autre côté, les papas démontrent souvent un manque de confiance en eux dans leur rôle de père. J’entends régulièrement des conjoints qui ont été quittés dire «l’autre nous a quittés». J’ai à cœur de leur expliquer qu’il a mis fin à la relation amoureuse, mais qu’il n’abandonne pas ses enfants. On se heurte, la plupart du temps, à cette confusion couple versus famille.

À quoi sont dues ces craintes de l’un vis-à-vis de l’autre?
Déjà, il y a une souffrance que chacun va vivre à sa façon. Le parent a ses douleurs personnelles, et l’enfant va les ressentir tout en ayant un mal-être plus ou moins grand face à ce divorce. Ce que je constate régulièrement, c’est un parent qui exprime avoir l’im- pression que son enfant est mal chez l’autre. Quand nous voyons le jeune, nous réalisons qu’il évoque des choses très simples. J’ai eu un cas récemment où les parents étaient dans un gros conflit. La maman était convaincue que son fils n’était pas bien chez son père. Lors d’un exercice avec le petit, ce qui ressortait était surtout un be- soin de reconnaissance de l’effort qu’il faisait pour s’adapter à deux systèmes différents: «Papa me demande de me laver tous les soirs, alors que chez ma- man les douches, c’est deux fois par semaine.» La mère sentait son enfant triste, mais n’a pas nécessairement réalisé à quoi cela était dû et a interprété le tout de manière un peu exagérée.

On s’inquiète donc trop pour l’enfant?
Je pense qu’il ne faut pas oublier qu’il a bien sûr ses peines par rapport à la situation, comme un manque de la famille réunie. Mais il peut aimer ses parents indépendamment de cela. Il faut réussir à construire un récit familial différent. Ce qui est encourageant, c’est de voir que, jusqu’à un certain âge, l’enfant a une grande capacité de résilience. Il s’adapte facilement à une nouvelle situation de vie du moment qu’il n’a pas à prendre parti pour un parent ou pour l’autre. Lorsque la situation est acceptée par les parents, elle devient la nouvelle normalité pour l’enfant.

Cela change quand il grandit?
L’enfant se construit avec ce qui se présente à lui dans sa vie. Il peut vivre bien ou mal sa situation familiale, que les parents soient ensemble ou non. Dans le cas des séparations, avant 10 ou 12 ans, le jeune ressent un sou-

ci d’équité, il veut donner autant à maman qu’à papa. Il aura tendance à ménager celui qui souffre le plus dans le couple. Si un parent a besoin de sentir que son garçon va mal quand il est chez l’autre, il se peut que son fils nourrisse ce ressenti. C’est très compliqué pour un parent de ne pas avoir dans un coin de la tête: «j’ai envie de m’assurer qu’il est bien avec moi», quitte à penser qu’il est moins bien avec l’autre. Lorsqu’un enfant dit à un parent qu’il veut le voir plus souvent, ça ne veut pas dire qu’il veut moins voir l’autre. À l’adolescence, cela évolue, car le jeune se crée un nouveau réseau, autre que la sphère familiale. Il commencera donc à prendre davantage de recul. Mais, peu importe son âge, il est important que sa place soit toujours respectée.